Page 186 - Livre Beau-Rivage Palace
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GENÈSE ET ÉVOLUTION ARCHITECTURALE sont les directeurs des établissements les plus prestigieux de la sud en direction d’une « cour d’honneur » ; ce parti lui permet de
région lémanique : le premier exerce à l’Hôtel des Bergues à
créer au rez-de-chaussée supérieur une terrasse-promenoir qui
DU PREMIER PALACE LAUSANNOIS Genève et le second est le fondateur et propriétaire de l’Hôtel communique avec le parc par deux escaliers monumentaux pla-
des Trois-Couronnes à Vevey. Tout en considérant qu’aucun « des cés à chaque extrémité de la façade. Késer introduit une galerie
plans présentés ne pouvait être exécuté tel quel, qu’il y avait lieu de les couverte au droit des arrière-corps tandis que les avant-corps
remanier pour faire quelque chose de complètement convenable », les ex- semblent être traités en vérandas ; Bertolini et la Harpe font pré-
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perts attribuent les prix suivants : 1000 francs à François Gindroz céder le pavillon central d’un « péristyle », qui se poursuit de part
de Genève, 900 francs à Achille de La Harpe et Jean-Baptiste et d’autre sous forme de galerie. Chez Gindroz, les avancées très
Bertolini de Lausanne et enfin 500 francs au Veveysan Samuel peu saillantes ne laissent pas la place à un tel dispositif. Au point
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Késer-Doret . de vue décoratif, ce dernier suit les recommandations du pro-
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Jugeant les deux premiers projets équivalents, le conseil d’ad- gramme en dessinant une façade d’une grande simplicité, tandis
ministration attribue le mandat d’exécution aux architectes classés que Késer s’en écarte en agrémentant les trumeaux des avant-
Joëlle NEUENSCHWANDER FEIHL
au deuxième rang et dont la proximité géographique joue en leur corps de pilastres, de tables et même de cariatides. Ces deux ar-
Avant même la fondation effective en juillet 1857 de la sio, notamment celles qui occuperont les angles du bâtiment et auront vue dans faveur : « Le conseil a pensé qu’il y avait justice, convenance et de grands chitectes puisent dans le répertoire néo-classique en vogue dans
quatre membres du comité provisoire acquièrent, en prévision plusieurs directions. Le reste des étages supérieurs sera divisé en cham- avantages pratiques à confier les constructions importantes dont il s’agit à l’architecture de prestige de la première moitié du xix siècle. La
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de la construction d’un « Hôtel de 1 ordre », la propriété Allott bres indépendantes pour les touristes voyageant seuls. Les appartements un concitoyen aimé et estimé de tous, habitant Lausanne, connu pour sa façade sud de Bertolini et la Harpe emprunte au même langage
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située à l’extrémité occidentale du hameau, qu’ils revendent en- mentionnés plus haut seront autant que faire se pourra disposés de façon parfaite probité aussi bien que pour son expérience et ses talents ; d’autant stylistique ; celui-ci se retrouve non seulement dans l’hôtel réalisé,
suite sans bénéfice à la société. Suite au succès rencontré par l’ap- à pouvoir se décomposer en chambres indépendantes. L’Hôtel renfermera plus encore que M. de La Harpe a pour associé M. Bertolini, dont le talent mais aussi dans la majorité des bâtiments édifiés par ces archi-
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pel à souscription d’actions lancé en juin 1857 , le comité dispose environ 120 chambres. La beauté de la vue, surtout du côté du Midi et et le goût sont généralement appréciés. D’après le rapport du jury, de nou- tectes, tous deux formés auprès d’Henri Perregaux, chantre d’un
d’un capital d’un million de francs lui permettant de mettre en de l’Est étant le principal mérite de l’emplacement choisi, il conviendra de velles études étaient nécessaires pour arriver au plan définitif d’exécution, néo-classicisme épuré (fig. 3 à 9).
œuvre ses projets parmi lesquels figure la construction d’un hôtel tenir compte de ce fait dans la disposition des façades. L’usage de balcons et il était donc d’une importance capitale que l’architecte eût son domicile ici, Seule la distribution intérieure du rez-de-chaussée prévue
(fig. 1 et 2). de grandes croisées à hauteur de siège est entre autres recommandé. Dans pour que le Conseil puisse conférer chaque jour avec lui, suivre et diriger par les architectes genevois et lausannois nous est connue. Respec-
l’étude des moyens de décoration, on ne devra pas perdre de vue qu’il s’agit son travail, ce qui n’aurait pas été possible avec un architecte fixé et tra- tueux du programme, Bertolini et la Harpe réservent l’ensemble
LE CONCOURS D’ARCHITECTURE d’une entreprise qui doit rendre à ses actionnaires le produit légitime de vaillant à Genève . » de ce niveau aux espaces communs et de service ; ceux-ci sont
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À la commande directe, le conseil d’administration préfère le leurs capitaux. C’est dire qu’il y aura lieu d’apporter une certaine réserve Quelques plans des projets lauréats nous sont parvenus ; en organisés à partir d’un vaste hall central, prolongé au sud par un
concours, démarche alors exceptionnelle en matière de construc- dans l’ornementation qui devra être en harmonie avec le site. Une circons- raison de leur mode de représentation différent, la comparaison vestibule qui s’ouvre sur le péristyle ; les ailes et la partie méridio-
tions privées . Le programme auquel doivent se soumettre les tance locale doit à cet égard mettre à leur aise Messieurs les concurrents, est malaisée et ne peut porter sur l’ensemble des composantes. Les nale des arrière-corps abritent divers salons et salles à manger, dont
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concurrents est très précis, tant au point de vue de l’architecture c’est que les constructions du pays sont généralement d’une grande mo- trois bâtiments sont ordonnancés en cinq parties, soit un pavillon la principale, située dans l’aile occidentale, peut accueillir deux
que de la distribution du futur édifice: « L’Hôtel projeté est non destie sous le rapport de la décoration […]. L’emplacement de l’Hôtel est central plus ou moins saillant qui, couronné d’un étage-attique, est grandes tables de septante couverts chacune. Gindroz par contre
seulement destiné aux voyageurs de passage mais aussi et surtout à ceux fixé d’une manière approximative. Il sera situé dans la propriété ci-devant flanqué de part et d’autre d’un arrière-corps et d’une aile latérale. place des appartements dans les ailes et des chambres au nord ; en
qui se fixeront pour un temps dans la localité. Il doit donc remplir les Allott à Ouchy, sa façade méridionale, qui est la principale, orientée à peu Les bâtiments de Gindroz et Késer comportent vingt-et-un axes fait d’espaces communs, il ne prévoit que la salle à manger des
conditions d’un Hôtel-Pension. Le rez-de-chaussée sera consacré à la vie près parallèlement au quai qui longe le lac ». en façade méridionale contre vingt-trois pour le projet Bertolini domestiques étrangers au nord de l’aile ouest, la salle à manger des
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commune et renfermera les salles à manger, les salons et telles autres pièces En septembre 1857, neuf projets sont soumis à l’apprécia- et la Harpe où les deux axes supplémentaires sont plus profonds hôtes ainsi qu’un petit salon de lecture au sud et, au centre de l’édi-
d’un usage commun aux hôtes de la maison […]. Il y aura trois étages. Le tion du jury qui réunit trois architectes, Jean Franel de Genève, (fig. 3 à 5). Contrairement à Késer, Gindroz prévoit des combles fice, le « vestibule ». Ce dernier, qui se déploie autour d’un escalier
1 sera divisé en appartements indépendants propres à être donnés à des Louis Joël et Louis Wenger de Lausanne, ainsi que deux « maîtres habitables et, tirant parti de la topographie en légère pente, un d’accès au rez-de-chaussée inférieur et à la « cour d’honneur », devait
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familles. Il en sera de même des portions les plus agréables des autres étages d’hôtel », Alexandre Rufenacht et Gabriel Monnet. Ces derniers rez-de-chaussée inférieur partiellement enterré qui s’avance au s’apparenter en élévation au hall projeté et réalisé par Bertolini et
L[ouis] Joël et Maget architectes, Projet d’Hôtel. Fig. 2 >
Plan général, 28 février 1857. L[ouis] Joël et Maget architectes, Projet d’Hôtel. Face au midi, 28 février 1857.
Les architectes donnent à leur projet l’enseigne d’Hôtel du Léman.
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