Page 288 - Livre Beau-Rivage Palace
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Fig. 13

          le hasard laissant ainsi la conscience nette et les coudées franches   LE CIMETIÈRE DES CHIENS                                                 autres, la fonction de fossoyeur : « Enveloppés dans du papier, les corps   de Gotha obituaire canin ? Elle tient peut-être déjà la queue du
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          aux promoteurs du nouveau complexe ! Une fois débités, les troncs                                Qui a vu Coco ?                               étaient inhumés à une profondeur de 80 centimètres » . La dernière   chien d’Alcibiade : pour ce qui est du Beau-Rivage, il y a proba-
          fournirent un lambris destiné aux parois intérieures de la nouvelle            Félix bAumAine et Charles blondelet                             tombe est la seule dont l’inscription, non gravée mais composée en   blement erreur sur la personne : Coco, non le chien de la chanson,
          construction. Glissé dans la pente du terrain, le nouveau complexe                                                                             lettres de bronze appliquées sur la dalle, n’est plus lisible ; l’employé   mais la Grande Mademoiselle en personne, est bel et bien enterrée à
          sportif se substitue à la terrasse, qui troque symétrie et courbe contre      Moulins, café de la Rotonde, 1905 : une jeune femme de           nous livre le terminus ante quem : 1983. L’entrée en vigueur d’une   Lausanne, au cimetière du Bois-de-Vaux.
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          une façade-rideau au tracé tourmenté, largement vitrée, couronnée   vingt-deux ans, employée comme « poseuse » (chanteuse de second            nouvelle loi qui rend l’incinération des dépouilles obligatoire  et
          par un garde-corps de bacs à fleurs faisant saillie en quart-de-rond.  ordre chargée de meubler les intervalles entre les prestations des      la raréfaction des séjours prolongés au Palace relégueront dès lors   ÉPILOGUE
         La toiture fait l’objet d’un aménagement géométrique combinant   favorites) entonne « Qui qu’a vu Coco dans l’Trocadéro ? », chanson des        le cimetière canin au rang de curiosité locale (fig. 13).  Ecrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survivre
          surfaces dallées et massifs quadrangulaires.           « deux blonds » mettant en scène une femme cherchant son chien .                            La pratique n’était pas nouvelle : des fouilles récentes ont   quelque chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse,
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              L’emprise au sol et l’aménagement des accès desservant le   Ne sachant son nom, le public la réclame en scandant « Coco ! ». Le            mis au jour un cimetière de chiens comptant plus de 700 tombes    laisser quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes.
          bassin, ses infrastructures et ses abords, ainsi que ceux du tennis,  pseudonyme lui restera, mais ce n’est pas en tant que chanteuse          datant du v  siècle. av. J.-C. à Ascalon, en Palestine, et n’a jamais                            Georges perec
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          construit deux ans plus tard dans l’angle sud-est de la proprié-  que Gabrielle Bonheur Chanel passera à la postérité.                         connu d’éclipse totale – en témoigne une tombe de chien du xviii                                 Espèces d’espaces.
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          té , ne font que parachever la métamorphose sans doute déjà      La Grande Mademoiselle descendit à plusieurs reprises au                      siècle érigée aux abords de la maison du Tilleul, à Saint-Blaise, dans
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          avancée d’un terrain où chacun semble y être allé de son cru.  Beau-Rivage Palace. Une légende tenace voudrait que son chien                   le canton de Neuchâtel .                                    Les jardins sont faits de matière vivante et putrescible, comme
          On dirait qu’aucune intervention n’appelle jamais de réflexion   fût enterré dans le parc . Serait-ce Boulette, Folette, Loulette, Dash,           Il semble que le cimetière du Beau-Rivage, dont la tombe   nous. Ils naissent, se transforment sans cesse et disparaissent, comme
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          concertée se donnant pour objectif de repenser l’ensemble. On y   Beauty, Snow, Blanchette, Titi, Siki, Billy ou Kiki mon chéri ? Le           la plus ancienne porte l’inscription : « Joe, died 9 September 1880 »,  nous. Ensevelis avec les cultures qui les ont engendrés au lieu d’en
          trouve en vrac une forêt de pins parasols plantée à la fin des an-  nécrologe égrené par les quarante-huit inscriptions obituaires             s’inscrive dans une reviviscence de la pratique, dont il précède les   conserver la mémoire, ils sont le reflet des mutations de nos sociétés,
          nées soixante par le directeur de l’établissement Walter Schnyder,  du cimetière des chiens du Beau-Rivage évoque, convenons-en,               manifestations les plus connues. En 1893, Marie-Charlotte, prin-  s’y adaptent, en épousent les contours comme Swann finit par épou-
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          inspiré par un voyage sur les bords de la Méditerranée , des   mieux l’air de Danilo et son demi-monde où jamais on ne dit                     cesse de Broglie, crée dans le parc du château de Chaumont-sur-  ser Odette. Aujourd’hui, une ligne de bus direct qui relie l’Hôtel
          sculptures d’Édouard-Marcel Sandoz, un ping-pong en ciment  « non » que l’esthétique rigoureuse – pour ne pas dire sans conces-                Loire, avec l’assistance d’Henri Duchêne – dont les interventions   Beau-Rivage Palace au quartier populaire de la Bourdonnette
          et des infrastructures de jeux pour enfants. Ces éléments déjà   sions ! – de celle que Paul Morand qualifiait d’« ange exterminateur du       n’ont ici rien de légendaire – un cimetière de chiens comptant une   emblématise éloquemment une mobilité sociale qui condamne
          hétéroclites sont reliés par des cheminements aux revêtements les   style xix  siècle ».                                                       vingtaine de concessions (18 recensées de nos jours) à l’emplace-  sans appel les goûts de jadis pour leur substituer des « tendances »
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          plus variés, allant du dallage de gneiss aux pavés de ciment sans      Le succès de ce lieu de mémoire semble avoir été tel que                ment de l’ancien cimetière du village. Cette initiative privée ne   flambant neuves. Plans, textes, photos : les jardins d’autrefois sont
          oublier le pas japonais et les inévitables traverses de chemin de   l’on est en droit de se demander si, faute d’une restriction d’accès       précède que de quelques années les plus ambitieuses entreprises ja-  toujours de papier.
          fer en remploi, servant de contremarches au pas-d’âne qui borde   formulée par la direction, il n’aurait pas menacé de s’étendre à             mais recensées en la matière : le Hartsdale Pet Cemetry de New York,
          la limite orientale de la parcelle.                     l’ensemble du jardin, à certains égards, déjà, cimetière de lui-même.                  fondé à l’initiative du célèbre vétérinaire Samuel Johnson en 1896,
              Éventré à plusieurs reprises pour l’installation de conduites de   Le conseil d’administration s’en inquiète : « Nous recevons sans cesse   et le « Cimetière pour chiens et autres animaux domestiques » créé par
          climatisation – avec lesquelles un peu de mémoire a sans doute été   des demandes pour des concessions dans notre cimetière des chiens. C’est   Marguerite  Durand  et  Georges  Harmois  en  1899  à  Asnières-
          enterré –, le parc n’avait probablement plus rien à perdre. Pinède,  l’envahissement. Seuls les chiens des clients auront à l’avenir l’honneur de   sur-Seine, sur un terrain insulaire racheté à cet effet au baron de
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          piscine, tennis, grill, aménagements divers et variés avaient depuis   cette nécropole canine . »                                              Bosmolet (Eugène Petit architecte). Il compte aujourd’hui plus de
          longtemps sonné le glas d’un parc dont il ne restait pour ainsi dire      En 1994, un droit de passage négocié entre le Beau-Rivage            40 000 concessions, dont celles de Barry, chien des chanoines du
          rien lors de la construction récente du centre de wellness. Notion   Palace et le tout nouveau musée du cio, qui motive le percement           Grand-Saint-Bernard et sauveur, dit-on, de plus de quarante âmes,
          dernière-née d’une série qui, de l’otium aux congés payés en pas-  d’un sentier longeant la petite nécropole située au nord-est de             de Rintintin, héros du feuilleton télévisé éponyme, des chiens de
          sant par la dolce vita, traduit au fil des siècles les rapports complexes   la parcelle, donne une nouvelle visibilité au cimetière des chiens.   Camille Saint-Saëns, de Courteline ou de Sacha Guitry. Le « Jar-
          et perpétuellement changeants que les différentes classes sociales   Prenant la balle au bond, Serge Martinelli recueille les propos du        din  du  Souvenir »,  cimetière  animalier  nouvellement  inauguré  à
          entretiennent avec le travail et le loisir.             doyen du personnel de l’hôtel, Alberto Grigolin, qui exerçait, entre                   Lausanne (2001), saura-t-il combler les lacunes de la région en fait

          <<<< Fig. 8                                             << Fig. 10                                                                             Le cimetière des chiens du Beau-Rivage.
          F. Bonnet, Vue de l’Hôtel Beau-Rivage à Ouchy, lithographie réalisée par Terry   Hôtel Beau-Rivage et ses abords.                              Photographie non datée.
          et imprimée par Pilet et Cougnard, Genève, vers 1865.   Publié à Ouchy par Fs Desponds géomètre. Estampe, vers 1870.
          <<< Fig. 9                                              < Fig. 12
          F. Poggi, Hôtel Beau Rivage près Lausanne, lithographie touristique combinant plusieurs   Beau-Rivage Palace Hôtel. Plan d’une partie du parc avec indication des arbres
          vues dans des cartouches végétaux éditée par Pilet et Cougnard, Genève, vers 1880.  les plus intéressants. Lithographie Trüb SA, Aarau, avant 1927.
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