Page 220 - Livre Beau-Rivage Palace
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par sa masse calme et structurée, mais, surtout, par ses grandes baies   les principes d’écriture architecturale post-haussmanniens souvent    pompeuse du Palace rappelle que sans la nature qui lui sert d’écrin   de 1861 (réaménagé en 1909 d’ailleurs)  pour se rendre dans
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          en plein cintre dont les verres biseautés laiss(ai)ent transparaître les   employés à l’époque , la façade s’anime dans ses parties hautes     (le parc arborisé notamment) et de cadre (au sens pictural du terme),  la partie nouvelle, on découvre des décors et des espaces dont
          reflets de la coupole en vitrail et du lustre suspendu en son centre.  surtout : les balcons individuels deviennent continus, la différence    elle n’aurait pas de sens. La multitude des dispositifs créant des liens   la qualité est sans égale dans les hôtels régionaux. Les deux sal-
         En opposition à la côte arborisée dont les frondaisons jouent avec   de niveau des corniches des pavillons et de l’aile centrale simule         avec elle abonde dans ce sens : portique, terrasses, escaliers, balcons   les, séparées par un couloir médian (servant à relier les ailes de
          l’éclat du soleil, on perçoit les lumières raffinées d’une salle qu’on   un effet de perspective, les lucarnes vont en diminuant de taille     sont autant d’espaces intermédiaires qui, sans être dedans ni vérita-  chambres et évitant de traverser la salle à manger), apparaissent
          devine de grande qualité architecturale et décorative : le chemin se   et terminent une suite de percements qui va decrescendo du rez-         blement dehors, permettent aux clients de jouir du paysage, de l’air,  comme l’aboutissement des recherches antérieures de Jost pour
          mue en une promenade à connotation quasi philosophique, en-  de-chaussée aux combles. La façade révèle ainsi un équilibre très                 du climat tout en n’étant qu’à quelques pas de décors qui parlent,  les parties communes des hôtels. Alors qu’il avait souvent dû ré-
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          tre nature et culture, entre vérité et artifice . Le Beau-Rivage de   savant entre les travées verticales, presque pyramidales, formées        eux, un tout autre discours.                            soudre des distributions complexes, déterminées par des parcelles
         1861 frappe par la sobriété de ses façades ; cette simplicité guide   des fenêtres et des lucarnes, et des lignes horizontales discrètes au                                                             au dessin irrégulier, dans le cas du Beau-Rivage, l’architecte n’a
          l’œil vers la porte principale – le but du trajet – qui se révèle être un   rythme syncopé ; de multiples détails concourent à l’animation de   LES « GRANDS APPARTEMENTS »: UN CHEF-D’ŒUVRE           comme contrainte que la largeur déterminée par les deux ailes
          passage étroit : un seuil à franchir pour déboucher sur un monde   la grille initiale, comme la subtile brisure de la ligne de corniche            La partie centrale de l’hôtel, contenant les deux salles com-  de chambres et une certaine hauteur (équivalant à deux niveaux).
          intérieur dont les reflets entraperçus attisent la curiosité.  des trois lucarnes des pavillons latéraux (la centrale étant légère-            munes majeures – hall et salle à manger, que l’on peut facilement   En plan, grâce à une parcelle régulière, Jost peut poser une trame
              Si, avant d’entrer dans l’édifice, on s’attache à regarder sa fa-  ment plus large et plus haute que ses voisines), brisure qui réduit     comparer aux  « grands  appartements » de parade des palais prin-  simple et claire, qui forme un grillage régulier déterminant un
          çade méridionale, l’on constate que l’architecture y est tout autre   l’impact de la ligne horizontale à ce niveau et qui annonce la           ciers – semble être l’œuvre (sinon le chef-d’œuvre) d’Eugène Jost   axe longitudinal (le couloir) et transversal (l’espace central de la
          et son effet complètement différent. Vu du quai de Belgique (édifié   très importante différence de hauteur des toitures ; pareillement,       et de son collaborateur Maurice Schnell . Si la façade nord, re-  salle à manger et du hall). Les parties résiduelles sont autant d’élé-
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          en 1901), l’ensemble de l’établissement apparaît beaucoup moins   la variation même des formes des fenêtres (plein cintre, rectan-             lativement sobre, est encore visible de nos jours, cela n’est hélas   ments de circulation, de desserte et de coulisses qui multiplient
          écrasant et le point d’attraction n’est plus l’ancien Beau-Rivage, à   gle, ovale) rompt la monotonie inhérente à ce genre de grande           plus le cas de la rotonde méridionale, aujourd’hui en grande partie   les possibilités d’apparition et de disparition. Le principe théâtral
          peine visible au travers des arbres de son parc.        composition. On regrettera vivement que cet ordre savant ait été                       dissimulée derrière une véranda annulaire datant de 1976 et dont   qui prévaut à l’édification de ces salles chez Jost trouve ici tout
              En vision rapprochée, c’est la coupole du hall qui s’impose   perturbé par la création récente de larges baies « en bandeau » au           les parties supérieures, seules visibles, ont perdu par la même oc-  son sens : la clientèle entrant d’un côté et de l’autre (puisqu’elle
          comme le motif dominant, en raison de sa forme et de son décor   sommet des toitures des pavillons, en complète contradiction avec             casion leur décor sculpté. Il faut le regretter : les architectes avaient   réside aussi bien au Palace qu’au Beau-Rivage) devait créer un
          raffiné ; il faudra y revenir. Mais, si l’on s’éloigne quelque peu – sur   le langage Beaux-Arts de l’édifice. De même, la modification de     ici conçu une orchestration très riche du vocabulaire Renaissance   effet saisissant, non pas de procession, mais plutôt de profusion,
          l’allée des Bacounis par exemple – c’est surtout la frontalité des   la lucarne centrale du corps médian (percée à l’origine de deux           et baroque, jouant avec différents types de techniques (architec-  de foule. L’architecte se souvient bien sûr des grands dispositifs
          deux ailes de chambres qui frappe, formant un bloc presque com-  petites baies en plein cintre façon Renaissance italienne) a fait             ture, sculpture, ferronneries, menuiserie) pour atteindre à un raf-  français de l’époque, l’Opéra de Paris à nouveau, avec son grand
          pact, asymétrique mais imposant, dont l’horizontalité des formes   perdre un contrepoint « minéral » aux parties latérales plus aérien-        finement rarement égalé dans le domaine hôtelier suisse d’alors   escalier qui répartit les visiteurs de part et d’autre de la cage, les
          et des lignes (fenêtres alignées le long de balcons filants, bandeaux,  nes, qui servait aussi d’amortissement au bow-window inférieur         (fig. 5 à 9). Sans aucun doute, les architectes avaient été aidés par   rendant spectateurs de leur propre représentation. Les deux salles
          cordons et corniches) est soulignée par le quai et son muret de   trop ajouré pour faire office de motif central. Architecture raffinée        des croquis ramenés de Paris : en effet, leur projet se rapproche   se répondent en enfilade de part et d’autre du couloir par cinq
          pierre, la clôture du jardin et, plus à l’ouest, les galeries marchandes   donc, quelque peu perturbée dans sa lecture par des interventions   beaucoup du casino dessiné par l’étudiant en architecture Charles-  baies en plein cintre, dont trois dans la partie centrale. Du nord
          surmontées d’un entablement et d’une balustrade. La composi-  qui ne l’ont pas véritablement comprises. Mais qui, jusqu’à ré-                  Louis Girault lors du concours Achille Leclère en 1878 et qui est   au sud, la transparence du corps de logis est respectée – principe
          tion du Palace est particulière, on l’a dit : deux pavillons latéraux,  cemment, cherchait à la comprendre et à l’apprécier ?                  toujours copié par les élèves à la fin du xix  siècle, notamment par   baroque illusionniste, donnant l’impression d’un espace sans fin ni
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          mais pas de pavillon central, comme à l’habitude (et comme au      Lorsqu’on prend du recul, la frontalité de cette façade invite              Jost lui-même . Les figures sculptées qui encadrent les oculi de   limites. Cet artifice architectural contribuant à amplifier visuelle-
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          Beau-Rivage par exemple) ; à sa place, une travée centrale étroite   surtout à regarder le vis-à-vis, c’est-à-dire le paysage lacustre et      la coupole sont également d’obédience parisienne, descendantes   ment les dimensions des salles, il permet par contrecoup un décor
          en forme de bow-window, peu monumentale, qui reporte l’accent   alpin. Son architecture la pose littéralement face au panorama, elle           assagies des nymphes de Carpeaux à l’Opéra de Paris. Il faut ce-  d’une certaine richesse qui ne nuit pas aux qualités spatiales de
          ailleurs (en l’occurrence sur les pavillons). Ce dessin implique une   n’est qu’un vaste balcon d’observation indiquant, pour ceux qui         pendant passer sur ces opera deperdita pour se concentrer sur le cœur    ces espaces, mais contribue à en définir les contours. Les volumes
          modulation presque sinueuse de la surface du mur, animée par   n’ont pas la chance de s’y trouver, que l’important est ailleurs – en           (ou le ventre) de l’hôtel : la salle à manger et le hall.  mêmes, articulés en plusieurs parties, montrent que Jost a retenu la
          les avant-corps latéraux mais aussi par les trois bow-windows qui   face, donc. C’est encore une perception manichéenne du rapport                 Si l’on reprend la visite interrompue au seuil de la porte prin-  leçon du baroque : la salle à manger, une simple boîte rectangulaire
          marquent le centre de chacune des portions de l’édifice. Selon   à la nature qui prévaut ; par le jeu des contrastes, l’architecture           cipale du Beau-Rivage, et que l’on traverse le vertigineux atrium   à l’extérieur, se mue en un espace à plan centré grâce à l’artifice







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