Page 216 - Livre Beau-Rivage Palace
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Fig. 2 Fig.3 Fig.4
pratique au Beau-Rivage puisque pour rejoindre la salle à manger à reprocher le manque de professionnalisme) . En revanche, Jost pour satisfaire leur unique clientèle , le cas est différent à Lausanne de Territet (1904) ainsi que, dans une forme réduite, au Montreux-
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(qui resterait dans la partie ouest du bâtiment) le client aurait à et son associé Maurice Schnell semblent plutôt intéressés par les où le marché est plus vaste et les commandes plus variées, qu’elles Palace (1906). Le corps d’habitation n’est pas très éloigné non plus
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traverser de très longs couloirs et le service en chambre serait travaux de décor intérieur et de recherche de mobilier. Ils prépa- soient publiques ou privées. La Société d’Ouchy n’est qu’un client des hôtels de Jost à Montreux, parmi lesquels l’Hôtel des Alpes ou
rendu difficile. Ultime « desideratum », la nouvelle aile ne devrait rent notamment les projets de décor du hall et de la salle à manger parmi d’autres – un gros client, certes, mais pas le seul – ce qui sem- le Montreux-Palace, tant en plan qu’en élévation ; la principale dif-
pas trop porter « atteinte à l’harmonie du Beau-Rivage au milieu de son et ils semblent aussi avoir dessiné des meubles – pratique assez rare ble réduire l’attention que les entreprises mandatées lui portent. férence consiste, ici, en l’absence d’un pavillon central monumental.
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parc » , condition qui semble particulièrement difficile à réaliser. dans le cas d’un hôtel . Malgré ces déboires conjoncturels, le chantier avance bon Enfin, la partie des salles communes situées entre les deux édifices,
Les actionnaires redoutent en effet qu’une nouvelle construction Le chantier qu’on espérait rapide prend un important retard train en 1907 et 1908, suite à une reprise en main énergique . Le dont l’un est préexistant, se retrouve dans ces deux mêmes hôtels.
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« ne gâte trop l’aspect du Beau-Rivage, ne lui donne un cachet trop indus- en 1906 en raison de la grève des ouvriers , mais aussi à cause gros œuvre est terminé en été 1907 et l’on peut travailler à l’amé- L’intérêt du Palace d’Ouchy ne réside donc pas dans l’invention
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triel » et préféreraient un deuxième hôtel construit plus haut, sur des négligences de l’entrepreneur, Chessex-Krieg, qui n’emploie nagement intérieur durant l’automne et l’hiver, ce qui ne va pas d’un type architectural, mais plutôt dans l’application une fois encore
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la propriété de l’Élysée qui leur appartient aussi. qu’une centaine de maçons, manœuvres, porte-mortier et tailleurs sans poser des problèmes : en effet, en pleine saison froide, le peintre d’une formule éprouvée à une situation donnée.
Après avoir longuement étudié chacun de ces problèmes, de pierre au Palace, main-d’œuvre dont on juge le nombre bien Otto Haberer réclamera avec insistance un chauffage pour pouvoir La disposition du Palace en amont du Beau-Rivage peut
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en 1904, l’assemblée générale des actionnaires adopte la solu- trop insuffisant pour rattraper le retard . Le conseil d’administra- exécuter ses travaux dans une salle à manger glaciale … La nuit du d’abord paraître déroutante pour le visiteur qui parvient à l’hôtel.
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tion d’une aile à l’ouest de l’ancien bâtiment . La perspective tion constate avec amertume que « si la maçonnerie n’est pas finie à 18 au 19 juin 1908 « on a établi un passage en tunnel au travers de la Par où entrer ? L’accès principal, au fond du chemin, ne s’impose
de l’ouverture du tunnel du Simplon prévue en 1906 stimule fin juin, il n’est pas question d’ouvrir la maison au printemps 1908 et il salle à manger ancienne, pour mettre en communication les deux bâtiments. pas a priori ; en effet, à l’instar de nombreux hôtels du temps, cha-
les chantiers hôteliers régionaux et explique que le projet s’accé- serait honteux que nous ne soyons pas capables de construire notre hôtel Le service commence par le déjeuner de midi ½ dans la nouvelle salle à cune des ailes comporte son entrée particulière, brouillant les pistes
lère soudain ; toutefois, si le Montreux-Palace tiendra le défi , le en 2 ans ½ » . Il est vrai que les autres palaces régionaux, notam- manger. Le même soir, plusieurs chambres sont occupées par des étrangers qui donneraient à voir du premier coup d’œil le portail principal
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Beau-Rivage Palace aura deux ans de retard sur cette échéance ment ceux construits par Jost, avaient été bâtis tambour battant : [dans le Palace]» . Il aura fallu près de trois ans pour achever un de l’hôtel, comme c’est généralement le cas dans les établissements
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stratégique. En effet, rien ne sera simple pour édifier l’un des plus vingt-six mois pour le Caux-Palace, vingt-deux pour le Montreux- édifice qui s’avère plus restreint que les palaces des stations voisi- urbains, il suffit de penser au Palace de Lausanne (1915) où le por-
prestigieux hôtels de Lausanne. Palace… Dans le premier cas, l’on comptait jusqu’à 320 ouvriers nes ; toutefois, au vu du résultat, le conseil d’administration peut se che est visible en perspective dès la place Saint-François. À Ouchy,
Le souci est si grand de réaliser un ensemble harmonieux sur le chantier en été. Cette hâte s’explique évidemment par un féliciter de sa patience. plusieurs signes connotent la porte du Palace comme secondaire :
que le conseil s’adresse à trois bureaux pour les avant-projets : Van calcul simple : tant que l’établissement n’est pas ouvert, les capi- d’une part, l’absence déjà constatée d’un pavillon central en réduit
Muyden, malade, s’étant retiré, on consulte Louis Bezencenet, taux investis ne rapportent rien ; mais cette course contre la montre DEUX FAÇADES l’impact visuel ; d’autre part, sa situation dans une véranda et son
Henri Verrey & Alfred Heydel ainsi qu’Eugène Jost. Le premier peut donner à penser que le chantier est le lieu d’enjeux d’ordre Le nouvel édifice se compose de trois parties distinctes qui traitement métallique ne la désignent pas non plus comme entrée
est un architecte bien implanté à Lausanne, fort de dizaines de symbolique, sa rapidité attestant la puissance financière des maîtres se juxtaposent à proximité du Beau-Rivage de 1861. La première d’apparat, en un temps où les codes classiques de l’architecture
chantiers importants, dont celui de l’Hôtel des Postes mené avec d’ouvrage. La sio a donc « honte » de ce chantier trop lent, car, sans consiste en un socle servant de jardin au Palace et, au-dessous, de sont encore en vigueur (et donc où la pierre apparaît plus digne
Jost ; les deuxièmes sont bien connus de Morel, puisqu’ils sont les doute, il en fragilise l’image face à des concurrents mieux organisés. galerie marchande et de promenoir ; la deuxième est l’aile dite « an- que le métal) (fig. 2 et 3). Les indices sont clairs pour qui sait les
architectes attitrés de la Société climatérique de Leysin dont le Hormis la grève des maçons, évidemment inattendue, plusieurs nexe » (en fait le Palace lui même), conçue comme un édifice au comprendre : l’avant-corps médian du Beau-Rivage ancien est dès
banquier est membre fondateur et président. Après étude des pro- facteurs concomitants peuvent sans doute expliquer cette faiblesse : plan en fer à cheval, dont la façade principale, au sud, se compose lors confirmé dans son rôle d’entrée de parade. Le visiteur est donc
jets, l’on enjoint Jost à s’associer à Bezencenet ; du premier on ap- d’une part l’engagement de Bezencenet à la direction du chan- de deux pavillons latéraux encadrant un corps longitudinal marqué contraint de longer la face nord dans son entier (fig. 4). Alors que
précie sans doute les qualités d’architecte-artiste, capable de prévoir tier ; s’il est sans aucun doute un architecte-entrepreneur fiable, il a en son centre par un bow-window ; enfin, la troisième comprend dans de nombreux hôtels, la cour arrière est souvent destinée aux
des décors fastueux et des façades pompeuses ; du second, ce sont peu l’habitude d’un tel type de construction, contrairement à Jost ; des salles communes situées entre le Palace et le Beau-Rivage soit, communs et généralement peu soignée, ici, au contraire, cet espace
surtout les capacités d’entrepreneur sérieux et organisé qui inté- d’autre part, le travail d’équipe que Jost met en place à Montreux au sud, le hall couvert d’une coupole (actuelle Rotonde) et, au est ordonné et agrémenté de jardins en pente et de fontaines qui
ressent le conseil. Ainsi, c’est à Bezencenet qu’on s’adresse pour la dans ses différents chantiers (en employant des artisans et des artis- nord, la salle à manger et sa verrière de vitrail (salle Sandoz) (fig. 1). rendent le trajet frais et ombragé. L’architecture n’est pas en reste :
préparation du gros œuvre, de l’élaboration des plans à la conduite tes bien rodés, il s’assure un travail soigné et efficace) n’apparaît pas Chacune de ces parties remémore des œuvres hôtelières contem- face à la paroi de verdure, la Palace montre des façades monumen-
du chantier ou, du moins, des adjudications et de la direction des ici. Alors que de nombreuses entreprises de Montreux ne vivent poraines, notamment celles de Jost : ainsi, la galerie marchande se re- tales traitées avec soin (variation des formes de fenêtres, frontons,
travaux (le chantier étant confié à des entrepreneurs dont on aura que par les commandes hôtelières et exécutent un travail de qualité trouve à Montreux à l’Hôtel National (1896) et à l’Hôtel des Alpes etc.) ; quant à la partie des salles communes, elle retient l’attention
J. Cornaz, architecte, Hôtel Beau-Rivage Palace. Élévation. L’entrée du Palace longtemps appelée le jardin d’hiver. Ouchy Lausanne, Hôtel Beau-Rivage.
Relevé de l’état existant [de la marquise]. Lausanne, septembre 1949. Carte postale, vers 1913.
Vue générale des deux bâtiments et du corps des salles communes.
La superposition des horizontales successives, allant du niveau de l’eau au faîte
du toit, affirme la frontalité de l’édifice face au paysage.
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