Page 41 - Livre Beau-Rivage Palace
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pour les qualifier sont ainsi absolument dépendants du bon vouloir de campagne, qui se louent à des familles étrangères qui voyagent ; une telle fa- dans cette langue et d’acquérir l’usage du monde. Il y a en conséquence un les diligences) ou à l’hébergement (l’hôtellerie relaie l’hospitalité).
de l’auteur et de son envie d’être utile à ses lecteurs. Si cette sub- mille ne trouvera même aucune difficulté à louer une pareille campagne, dans grand nombre de pensions pour les étrangers ; les plus chères coûtent 6 louis, Cette évolution a fait dire à Laurent Tissot que « la promotion d’un
jectivité ne semble pas poser le moindre problème au début, elle les plus belles contrées qui bordent le lac de Genève, et telle que ses besoins d’autres 4-5, et les moins chères 3 louis par mois. Le choix de la maison idéal autarcique constitue une donnée importante dans la construction d’une
commence à faire l’objet de justifications dans les dernières années et désirs pourront l’exiger. » où l’on veut se placer exige quelques précautions ; car c’est des personnes industrie touristique au xix siècle. Elle fait du voyage une opération débar-
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du xviii , comme chez h. A. o. Reichard en 1793 : « Je crois faire Il évoque ensuite les prix pratiqués et recommande de s’y chez qui l’on est logé que dépendent ordinairement les sociétés dans les- rassée de toute espèce de danger, parce que les contacts avec l’inconnu sont
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plaisir à mes lecteurs en leur donnant ici la liste des auberges, où je sais par prendre à l’avance pour une location. Son traducteur, Samuel quelles on est reçu. Les personnes qui vivent dans les premières pensions réduits à leur strict minimum » .
expérience, qu’on est fort bien. Je ne prétends point cependant déprimer par Wyttenbach, trouve pourtant qu’un complément s’impose : « Ici peuvent se promettre d’être admises dans les meilleures compagnies de
là celles où je n’ai pas logé, ni garantir que celles dont je parle, méritent l’Auteur paroît n’avoir pas été bien informé ; je connois une de ces campa- la ville. Ceux qui prennent pension dans des maisons moins accréditées INFRASTRUCTURE TOURISTIQUE
encore actuellement la préférence, les auberges étant comme tout le reste, gnes près de Lausanne, dont une famille angloise payoit cent louis par ans, n’ont guère de commerce avec les gens de condition, à moins qu’ils ne ET AUTONOMISATION DU SYSTÈME
soumises à bien des vicissitudes et des changemens. » (Reichard, 1793, t. 4, à la vérité toute meublée. De plus en aucun pays du monde, on n’aura une soient pourvus de recommandations particulières. On joue presque dans Les guides « modernes » naissent aux environs des années 1840.
La République helvétique, sans pagination). campagne, en ne la louant que pour les six beaux mois, à la moitié de la toutes les Sociétés ; il n’y en a qu’un petit nombre dont les cartes soient C’est à cette époque que paraissent presque coup sur coup la pre-
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Ce commentaire de Reichard donne deux informations qu’il location de l’année entière ; & dans les contrées dont il est ici question, on est bannies. » (Ebel, 1805, t. 3, p. 217-218) mière édition des trois grands guides modernes du xix siècle :
est nécessaire de souligner et de mettre en perspective ; la première moins dupe que par-tout ailleurs. » (Ebel, 1795, t. 1, p. 42-43) Le même texte se trouve repris presque intégralement dans l’allemand Baedeker, l’anglais Murray et le français Joanne, ancê-
est l’importance de l’expérience. Fondatrice de toute la littéra - On constate que l’habitude de l’accueil ne veut pas dire que une édition pirate du guide d’Ebel qui paraît à Paris en 1816. À tre des Guides bleus actuels. La Suisse, qui était à l’époque une
ture utilitaire du voyage aux xviii et xix siècles, l’expérience est l’on ne soit pas intéressé ou que l’on reste adepte d’une vertueuse cette date (et on peut même aller jusque dans le courant des années destination phare, fait rapidement l’objet d’un ouvrage dans cha-
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alors en général considérée comme une condition suffisante pour hospitalité. Tout est, ici encore, affaire d’offre et de demande. L’édi- 1820), on constate à quel point l’hospitalité privée reste importante, cune de ces séries : en 1838 pour Murray, en 1841 pour Joanne, dès
composer un guide et explique une grande partie de ce qui peut tion de 1805 du guide d’Ebel indique clairement que les deux puisque du lieu d’hébergement dépendront les sociétés que l’on 1844 pour Baedeker (1852 pour la première édition en français).
aujourd’hui surprendre à la lecture de ces textes : l’auteur n’est en modes d’hébergement (hôtellerie et hospitalité) sont alors égale- pourra fréquenter. Les liens entre hôtes accueillant et hôtes ac- Tous entérinent alors la quasi-disparition de l’hospitalité privée,
effet pas seulement un pourvoyeur neutre d’informations et de ment pratiqués. En tête d’article, Ebel mentionne en effet quatre cueillis sont encore, on le voit, non seulement très forts, mais très selon des modes variés : en omettant d’en parler, en ne mention-
savoir, mais aussi un témoin qui, à ce titre, est présent dans son auberges différentes à Lausanne : « Le Lion d’or, la Couronne, le Cerf, structurants, et peuvent clairement influencer les expériences et nant qu’auberges et hôtels, ou en constatant la transformation des
texte. Le deuxième point à relever est le grand problème de tous l’Aigle » (sans toutefois les commenter ou les apprécier), et traite les apprentissages d’un voyage. Dans la grande tradition du voyage anciennes pratiques, comme le fait Adolphe Joanne en 1841 dans
les guides concernant les recommandations d’auberges ou d’hôtels : l’hospitalité privée rémunérée plus loin dans son texte. D’après la classique, les rencontres avec les gens (connus et moins connus), les l’introduction de son guide : « Un certain nombre de voyageurs s’élèvent
leur volatilité. Si un hôtel peut être recommandé un jour, il n’est longueur de son développement, il semble clair que cette dernière comparaisons entres les systèmes politiques et sociaux ainsi que avec chaleur et indignation contre la cherté des auberges suisses. En général,
pas sûr qu’il pourra toujours l’être quelques mois plus tard, et tant a sa préférence. Il est toutefois presque impossible de décider sur les réflexions autour de la religion étaient en effet aussi importan- nous sommes forcé de le reconnaître, de pareilles plaintes nous ont toujours
les circuits de la librairie que les moyens de recherche et de mise des bases objectives si c’est une préférence personnelle de gentil- tes que les visites de certains lieux connotés ou de certaines œu- paru injustes ou exagérées. Sans doute il y a en Suisse, comme dans tous
à jour des informations, beaucoup plus lents à l’époque, rendaient homme aux goûts encore très classiques ou si c’est plutôt le signe vres d’art. Mais peu à peu, ces centres d’attention vont s’infléchir les pays de l’Europe, des hommes avides qui profitent habilement de toutes
difficile une parfaite adéquation au terrain. On relève cependant d’une pratique qui reste dominante. Dans un type d’écrit qui doit et le voyage va devenir de plus en plus individuel et autocentré. les circonstances favorables ; mais […] l’hospitalité ne devient-elle pas aussi
que Reichard parle des auberges comme de moyens de logement privilégier la concision, il accorde pourtant à ce sujet un long Ces changements, à l’origine avant tout culturels et sociaux, vont absurde qu’impossible dans des pays visités chaque année par des milliers
devenus tout à fait habituels en voyage, ce qui atteste la transfor- paragraphe : « Etrangers. La situation magnifique de la ville et le bon pourtant avoir des conséquences tout à fait pratiques, conséquences d’étrangers de toutes les nations ? » (Joanne, 1841, p. 17)
mation progressive de l’hébergement et la future prééminence de ton des classes moyenne et supérieure de ses habitans chez lesquels règnent que l’on va retrouver dans les guides de voyage qui, parce qu’ils Selon Joanne, l’hospitalité traditionnelle cède face à l’industria-
l’hôtellerie sur l’hospitalité privée. toute la politesse, toute l’urbanité des meilleures compagnies, mais non les cherchent à répondre aux demandes et besoins nouveaux de leur lisation du tourisme qui s’opère précisément dans ces années-là. Les
Celle-ci, qui peut prendre plusieurs formes, est cependant à vices et le luxe effréné des grandes Cités, joints à la facilité d’apprendre clientèle, deviennent de très bons indicateurs de ces transformations. guides que nous avons cités s’en font les témoins, qui ouvrent tous
l’époque encore loin d’être révolue. En 1795, Johann Gottfried Ebel à fond la langue françoise avoient depuis des siècles fait de Lausanne le À partir des années 1830-1840, celles-ci deviennent tangibles : l’an- leur article sur Lausanne par l’énumération et l’appréciation des hôtels
en parle ainsi dans son premier guide sur la Suisse, ses Instructions pour séjour favori d’une multitude de riches étrangers de toutes les nations de cien Grand Tour cède la place au tourisme, qui modifie une grande qu’ils recommandent. On relèvera non seulement la position tout à
un voyageur qui se propose de parcourir la Suisse : « Il y a dans les environs l’Europe. On y rencontroit principalement toujours quantité de jeunes partie des infrastructures du voyage, qu’elles touchent à la mobilité fait nouvelle de ces mentions, qui se trouvent désormais en tête d’ar-
de Genève et dans tout le Pays-de-Vaud une grande quantité de maisons Anglois et d’autre jeunes gens de qualité dont le but étoit de s’instruire (les bateaux à vapeur et le chemin de fer remplacent peu à peu ticle et non plus en fin ou en marge, mais aussi le glissement lexical
Jakob Samuel Weibel, Vue de Lausanne.
Estampe, 1817.
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