Page 83 - Livre Beau-Rivage Palace
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Fig. 1 Fig. 2
TOURISME ET TRANSFERT TECHNOLOGIQUE: impliquées dans le développement ferroviaire lausannois. Édouard heurte à des difficultés techniques . La locomotive à vapeur et le
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Dapples, syndic et conseiller national, ou Émile Bory-Hollard, tramway hippomobile ne parvenant pas à franchir la pente, qui
LE BEAU-RIVAGE PALACE FACE banquier privé, font partie de plusieurs conseils d’administration s’élève à 12%, le recours à des technologies innovantes s’impose.
AUX DÉFIS DU PROGRÈS TECHNIQUE de sociétés ferroviaires (tab. 1). Parallèlement à la construction d’un En 1868, un comité lance le projet d’un chemin de fer pneuma-
hôtel de luxe à Ouchy, ces pionniers luttent bec et ongles pour
tique . Le Beau-Rivage y est représenté par son administrateur
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faire de Lausanne un nœud ferroviaire de première importance . Fernand de Loys. En 1876, deux ans après la constitution de la
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1861-1914 Avec succès. En 1864, Lausanne est devenue la plaque tournante Société du Lausanne-Ouchy et des Eaux de Bret, pas moins de
du voyagiste anglais Thomas Cook. Tous ses circuits en Suisse y cinq administrateurs et plusieurs gros actionnaires du Beau-Rivage
passent au moins une fois . L’industrialisation du tourisme régional ont souscrit au capital social . À lui seul, Fernand de Loys détient
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est alors amorcée. 315 actions, ce qui en fait le deuxième actionnaire derrière Jean-
Les élites lémaniques ont cependant moins de succès dans Jacques Mercier-Marcel. La sio, quant à elle, souscrit 10 actions.
la course aux transversales ferroviaires alpines. Ouvert en 1882, le En dépit de cet apport financier, le Beau-Rivage ne parvient pas
Cédric HUMAIR
Gothard s’impose face au Simplon. Le conseil d’administration à imposer l’arrivée du train à proximité de l’hôtel. Le coût des
« Ces travaux exécutés, nous ne prévoyons plus, pour le moment, de mais également inscrire l’établissement dans un système technico- du Beau-Rivage se plaint amèrement des effets de cette défaite : terrains nécessaires à la réalisation de ce tracé est jugé trop élevé
grosses dépenses extraordinaires, sauf toutefois, l’établissement d’un as- touristique performant : faciliter l’accès à Ouchy, connecter le « L’ouverture du tunnel du Gothard au commencement de l’année nous (fig. 3). Les milieux touristiques ont plus de réussite dans les choix
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censeur. Cette construction doit être exécutée dans un délai aussi bref que Beau-Rivage à des réseaux de communication performants, se a été préjudiciable au delà de toute attente: ainsi tandis qu’au 1 mai technologiques de la compagnie. Avec des arguments de sécurité
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possible, un hôtel, comme le nôtre, ne peut plus s’en passer; le manque procurer l’eau, le gaz et l’électricité nécessaires au bon fonction- 1881 quarante quatre familles venant d’Italie avaient été reçues à Beau- et de rentabilité, ils obtiennent l’abandon du pneumatique au pro-
d’en posséder un nous cause du préjudice; aujourd’hui, les étrangers ne nement de l’hôtel, offrir des divertissements aux hôtes, embellir les Rivage, en 1882, au même jour, une seule famille y était descendue […]. fit d’un système de traction à câble, déjà expérimenté à Lyon. Le 16
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veulent plus monter à pied à un 2 ou 3 étage, et si l’on ne peut les hisser, rives du Léman, autant d’enjeux auxquels les administrateurs de Sans doute la ligne du Gothard détournera de notre contrée une partie des mars 1877, le premier funiculaire de Suisse est mis en service entre
ils s’en vont . » l’hôtel n’ont pu rester indifférents. La réalisation de ce programme voyageurs qui viennent chaque année en Suisse et ce détournement durera Lausanne et Ouchy (fig. 4).
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Consignées dans le rapport de 1887 aux actionnaires de la sio, n’a pas toujours été facile. Elle a été jalonnée de succès, mais aussi jusqu’à ce que le Simplon soit percé […] .» Le début du xx siècle est marqué par l’arrivée de nou-
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propriétaire de l’Hôtel Beau-Rivage, ces quelques lignes illustrent de doutes, de résistances et d’échecs. En dépit de ces difficultés, la Plusieurs administrateurs de la sio participent dès lors à la veaux moyens de transport collectifs et individuels. Le tramway
bien les défis techniques auxquels sont confrontés les établisse- saga technique de Beau-Rivage témoigne de la formidable capa- croisade pour le Simplon. Citons notamment Gustave Perdonnet électrique est ainsi introduit en 1896 à Lausanne. La société d’ex-
ments hôteliers de luxe dans les dernières décennies du xix siècle. cité d’adaptation des pionniers de l’hôtellerie suisse qui, durant la et Marc Morel-Marcel (tab. 1), tous deux administrateurs de ploitation, qui demeure privée, est présidée par Ernest Correvon-
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Pour demeurer compétitifs, ceux-ci sont contraints de répondre Belle Époque, ont été capables de réagir à de profondes mutations la Compagnie du Simplon . Il faudra cependant attendre 1906, Mercier, administrateur et futur président de la sio (tab. 1). Le 26
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aux attentes d’une clientèle toujours plus exigeante, autant dans le technologiques, sociales et culturelles. après de nombreuses fusions de compagnies, pour que le tou- novembre 1897, le conseil d’administration du Beau-Rivage en-
domaine de la mobilité, que de l’hygiène et du confort. Dès lors, risme lausannois puisse bénéficier de l’ouverture du tunnel. treprend une démarche en faveur de l’extension du réseau jusqu’à
les hôtels de première catégorie et, plus généralement, les stations FACILITER L’ACCÈS AU BEAU-RIVAGE Avec l’arrivée du chemin de fer à Lausanne, la pierre d’angle Ouchy. Ses vœux sont exaucés dès 1903, en dépit de la Société du
touristiques se constituent en foyers de haute technologie. Dans Il n’est probablement pas exagéré d’affirmer que le Beau- du système de transport du Beau-Rivage est ainsi posée (fig. 1). Lausanne-Ouchy, qui s’oppose à une concurrence malvenue (fig. 5).
certaines régions faiblement industrialisées, comme l’arc lémani- Rivage est le fruit de l’arrivée du chemin de fer dans l’arc lémanique. Mais pour que l’afflux de touristes profite à l’établissement d’Ouchy, En 1908, les administrateurs décident de moderniser le service de
que, l’activité touristique joue même le rôle de principal moteur Mis en service en 1856, le raccordement de Lausanne à la ligne il est nécessaire de développer des liaisons efficaces avec la gare desserte de la gare en achetant une automobile. En raison de la
du transfert technologique. reliant Morges et Yverdon ouvre de nouvelles perspectives touris- ferroviaire et le centre-ville, où arrivent les diligences de la poste haute technicité de ce véhicule, l’exploitation est confiée à une
L’analyse qui suit cherche à comprendre comment les dirigeants tiques. L’afflux d’étrangers est en effet facilité par ce nouveau mode fédérale. Dans un premier temps, les omnibus hippomobiles du maison spécialisée.
du Beau-Rivage Palace ont fait face aux défis de la modernisation de transport qui permet de diminuer les coûts des voyages, tout en voiturier Jules Perrin, avec qui plusieurs conventions sont signées, Hormis le rail et la route, l’accessibilité du Beau-Rivage par
technique. Afin de répondre aux nouvelles exigences de la clien- les rendant plus rapides et confortables. Parmi les fondateurs de la sont seuls à assurer ce service de proximité (fig. 2). En effet, lancée le lac est un autre sujet de préoccupations. Construit en face du
tèle, ils ont non seulement dû adapter les infrastructures de l’hôtel, sio, en 1857, il est significatif de trouver plusieurs personnalités dès 1857, l’idée d’un chemin de fer entre Lausanne et Ouchy se débarcadère utilisé par les compagnies de bateau à vapeur, l’hôtel
Lausanne et Hôtel Beaurivage à Ouchy. M. L. Bonnet, Gare du chemin de fer du canton de Vaud. Fig. 3 >
Estampe dessinée par Briquet et fils et lithographiée par A. Cuvillier, vers 1862. Estampe, 1856. Le premier projet de chemin de fer pneumatique
Le système de transports de Beau-Rivage: entre Lausanne et Ouchy passait à proximité du Beau-Rivage.
chemin de fer, omnibus hippomobile et bateau à vapeur.
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