Page 107 - Livre Beau-Rivage Palace
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Les associations historiques dont il est question dans ce chapitre   alliance politique, celui où s’est décidé tel important changement
 peuvent revêtir différentes formes. On ne saurait se contenter d’évo-  de programme ou de direction, ou encore le site d’une lutte histo-
 quer les visites de grandes figures internationales du passé. Le cor-  rique entre personnalités ou factions clefs. Cet aspect de la relation
 respondant itinérant William Honey se souvient d’un revers essuyé   historique entre le tourisme, la politique et la diplomatie a souvent
 en tentant de calmer, au moyen de la phrase classique : « Napoléon   été négligé, tant par les historiens du tourisme que par ceux qui
 a dormi ici », les plaintes d’un client australien (« M. Snort ») de passage   traitent des relations internationales, ceci en dépit du rôle significa-
 à Autun lors d’un tour automobile à travers la France en direction de   tif joué par l’hôtel comme territoire neutre propice aux rencontres
 l’Espagne : « A l’hôtel de la Poste à Autun, j’ai expliqué à M. Snort qu’il   et aux négociations internationales, non seulement comme toile
 résidait dans un lieu d’intérêt historique, situé sur la route Napoléon, et   de fond, mais encore, pourrait-on dire, comme organisation dont
 que le grand homme s’y était arrêté à deux reprises ; je suggérais facétieuse-  les aménagements, les conventions et les horaires peuvent avoir
 ment qu’il n’y serait pas revenu une seconde fois si l’établissement n’avait   informé les événements au point d’influencer leur cours.
 été bon. Je lui montrai la chambre dans laquelle avait dormi Napoléon      L’association à de grands épisodes de la scène internationale
 (aujourd’hui équipée d’un téléphone, d’une salle de bains et de toilettes) ;   a plus de chance d’être attribuée à un hôtel dont les prétentions
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 et M. Snort ne comprenait toujours pas ce que je voulais dire .» Il fal-  à une importance historique sont déjà portées par une réputation
 lait quelque chose de plus pour rendre une association historique   de lieu de séjour de familles royales, d’aristocrates ou de politi-
 convaincante et rentable, du moins aux yeux du touriste scepti-  ciens célèbres, de rang national ou international. Ces lieux sont
 que ; la perte d’authenticité entraînée par l’indispensable mise à   fréquemment d’anciens palais royaux ou ducaux, convertis en hô-
 jour des commodités de la chambre révèle un dilemme courant   tels de luxe une fois leur destination initiale tombée en désuétude.
 entre l’attrait de l’héritage et une offre haut de gamme en matière   L’Hôtel du Palais, à Biarritz, en est un exemple typique. Le palais
 d’hospitalité et de services.  originel, construit au milieu des années 1850 comme retraite mari-
    Pour tirer profit de grands événements pouvant être présen-  time pour Napoléon iii et l’impératrice Eugénie, compta parmi ses
 tés comme directement liés à son histoire, un hôtel se doit d’être   hôtes des membres des familles royales d’Espagne et de Belgique
 plus qu’une étape de passage. Il se doit d’être, d’une certaine ma-  ou de la noblesse russe, ainsi que Bismarck, qui mit à profit sa visite
 nière, une destination en soi, dont la réputation de « lieu mythique »   à Biarritz, dans les années 1860, pour mener des négociations po-
 a le pouvoir d’attirer, de garder et de favoriser diverses formes de   litiques avec l’Empereur et nouer une liaison sentimentale avec la
 réunions  internationales,  plus  ou  moins  formelles  dans  leur  or-  jeune femme d’un diplomate russe. À la chute du Second Empire,
 ganisation, qui deviennent dans cette perspective, une « substance   le palais fut mis en vente et devint un hôtel qui devait attirer la
 historique » négociable. Il se doit d’être situé dans – ou de constituer   clientèle royale d’Europe et d’ailleurs. Il fit de Biarritz une station
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 en soi – un lieu de rendez-vous à la mode de la haute société et   de notoriété internationale à la fin du  xix  et au début du  xx
 d’avoir la capacité de discrétion institutionnelle qui, traditionnelle-  siècle. Ce fut par exemple, en 1906, l’un des théâtres de la cour ef-
 ment, favorise une telle réputation. Un hôtel peut prétendre avoir   frénée que fit le roi d’Espagne Alphonse xiii à la princesse Victoria
 été le théâtre  d’un  événement  historique  de  la  scène  nationale   Eugenia de Battenberg, petite-fille de la reine Victoria, et qui eut
 ou internationale s’il a abrité la signature d’un traité de paix, s’il   des conséquences durables dans l’histoire dynastique de l’Espagne
 a été l’antichambre d’une rencontre diplomatique qui a entraîné   et de l’Europe. Ceci eut lieu sur les décombres d’un grave incen-
 une guerre ou posé les bases de modifications importantes sur   die qui avait détruit une grande partie du palais trois ans aupara-
 l’échiquier des alliances internationales, le lieu où s’est soudée telle    vant, mais qui semble n’avoir en rien terni l’aura d’authenticité de

 Fig. 3   Cette sculpture de marbre blanc, réalisée en taille directe, fut mise en place
 La statue de La Paix, exécutée en 1914 dans son nouvel atelier de la villa   dans le hall de ce même hôtel le 4 février 1915, alors que la Première Guerre
 d’Alésia à Paris par Édouard-Marcel Sandoz, est destinée à commémorer le traité signé   mondiale avait éclaté quelques mois auparavant. Un praticien de Soleure, Bilderstein,
 en 1912 à l’Hôtel Beau-Rivage de Lausanne entre la Turquie et l’Italie.   participa avec João da Silva aux travaux de mise au point avec Sandoz.

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