Page 114 - Livre Beau-Rivage Palace

SOUVENIRS
LA CONFÉRENCE DES RÉPARATIONS
1932
Maurice PERNOT
« La belle ville cosmopolite et hospitalière est toujours prête à recevoir des hôtes.
Quelques centaines de plus ou de moins ne changent rien à son aspect, ni à ses habitudes.
Pourtant, elle a fait un peu de toilette : des massifs de feuillages et des parterres fleuris
décorent la façade de l’hôtel des postes ; les palaces ont hissé le grand pavois, aux couleurs
nationales et à celles des délégations qu’ils doivent abriter. Et surtout le soleil,
dont ce triste printemps fut si dépourvu, donne à Lausanne un air de fête dès les premières
heures du matin ; il inonde de clarté les rues blanches et les jardins,
il éclaire les montagnes dont une brume légère estompe encore les sommets
et fait briller le lac comme une nappe d’argent […].
Le grand salon de l’hôtel Beau-Rivage, dont la décoration évoque les plus somptueux
et les plus fâcheux modèles de notre second Empire, s’est aisément transformé
en salle de conférences. De longues tables, disposées en rectangle,
recueilleront les délégués et, derrière eux, les experts. Pour le plus grand désespoir
des photographes, le banc de la présidence,
où seront assis les personnages importants, est adossé à la haute verrière
qui sépare le salon du jardin : tous les ténors se présenteront à contre-jour. À droite
et à gauche du carré réservé, on a mis quelques tables pour les journalistes.
Aux quatre angles de la salle, quatre palmiers s’épanouissent jusqu’au plafond doré :
c’est le seul élément acceptable du décor.
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Dans le grand hall qui précède le salon, bien avant dix heures,
experts et journalistes sont aux prises ; les questions sont précises, les réponses vagues.
M. MacDonald circule entre les groupes, serrant quelques mains, rendant les saluts de bienvenue.
Quelques minutes avant l’heure fixée, il entre dans la salle des séances,
dont deux huissiers de la ville de Lausanne – bicorne, habit à la française,
large plaque d’argent – lui ouvrent solennellement les portes. Ses collègues anglais, M. Neville
Chamberlain, sir John Simon, M. Runciman, s’assoient à sa gauche ;
à côté d’eux prennent place le chancelier von Papen, M. von Neurath, les ministres Krosigk
et Warmbold, M. Herriot, qui vient d’entrer, suivi des autres délégués français, va s’asseoir
à la droite du président ; ils ont pour voisins les membres de la délégation italienne […].
En quelques phrases simples et émues, M. Motta fait un tableau saisissant de la détresse du monde,
que la conférence réunie à Lausanne doit s’efforcer de soulager : paralysie du commerce
et de l’industrie, défiance universelle, vingt-cinq millions de chômeurs.
Il montre l’impossibilité d’isoler le problème des réparations des autres problèmes
que pose un déséquilibre économique profond et prolongé. Il exprime discrètement
le vœu de voir bientôt les États-Unis d’Amérique unir leurs efforts
à ceux des principaux États européens. Invoquant enfin le retour à une confiance nécessaire
entre les gouvernements et entre les peuples, le président de la Confédération suisse
conclut son discours par la formule dont son pays a pieusement conservé l’usage :
‹ Je vous recommande, messieurs, à la protection divine ›. »
Maurice PERNOT, « Images de Lausanne », dans : Revue des Deux Mondes 1.7.1932.
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