Page 115 - Livre Beau-Rivage Palace
P. 115

SOUVENIRS






 LA CONFÉRENCE DES RÉPARATIONS

 1932









 Maurice PERNOT









                                       Dans le grand hall qui précède le salon, bien avant dix heures,
 « La belle ville cosmopolite et hospitalière est toujours prête à recevoir des hôtes.
                          experts et journalistes sont aux prises ; les questions sont précises, les réponses vagues.
 Quelques centaines de plus ou de moins ne changent rien à son aspect, ni à ses habitudes.   M. MacDonald circule entre les groupes, serrant quelques mains, rendant les saluts de bienvenue.

 Pourtant, elle a fait un peu de toilette : des massifs de feuillages et des parterres fleuris
                                  Quelques minutes avant l’heure fixée, il entre dans la salle des séances,
 décorent la façade de l’hôtel des postes ; les palaces ont hissé le grand pavois, aux couleurs   dont deux huissiers de la ville de Lausanne – bicorne, habit à la française,
 nationales et à celles des délégations qu’ils doivent abriter. Et surtout le soleil,

 dont ce triste printemps fut si dépourvu, donne à Lausanne un air de fête dès les premières   large plaque d’argent – lui ouvrent solennellement les portes. Ses collègues anglais, M. Neville
                                    Chamberlain, sir John Simon, M. Runciman, s’assoient à sa gauche ;
 heures du matin ; il inonde de clarté les rues blanches et les jardins,
 il éclaire les montagnes dont une brume légère estompe encore les sommets   à côté d’eux prennent place le chancelier von Papen, M. von Neurath, les ministres Krosigk
                        et Warmbold, M. Herriot, qui vient d’entrer, suivi des autres délégués français, va s’asseoir
 et fait briller le lac comme une nappe d’argent […].
                         à la droite du président ; ils ont pour voisins les membres de la délégation italienne […].


 Le grand salon de l’hôtel Beau-Rivage, dont la décoration évoque les plus somptueux   En quelques phrases simples et émues, M. Motta fait un tableau saisissant de la détresse du monde,
 et les plus fâcheux modèles de notre second Empire, s’est aisément transformé   que la conférence réunie à Lausanne doit s’efforcer de soulager : paralysie du commerce
 en salle de conférences. De longues tables, disposées en rectangle,
                                  et de l’industrie, défiance universelle, vingt-cinq millions de chômeurs.
 recueilleront les délégués et, derrière eux, les experts. Pour le plus grand désespoir   Il montre l’impossibilité d’isoler le problème des réparations des autres problèmes
 des photographes, le banc de la présidence,
 où seront assis les personnages importants, est adossé à la haute verrière   que pose un déséquilibre économique profond et prolongé. Il exprime discrètement
                                    le vœu de voir bientôt les États-Unis d’Amérique unir leurs efforts
 qui sépare le salon du jardin : tous les ténors se présenteront à contre-jour. À droite   à ceux des principaux États européens. Invoquant enfin le retour à une confiance nécessaire
 et à gauche du carré réservé, on a mis quelques tables pour les journalistes.

 Aux quatre angles de la salle, quatre palmiers s’épanouissent jusqu’au plafond doré :   entre les gouvernements et entre les peuples, le président de la Confédération suisse
                            conclut son discours par la formule dont son pays a pieusement conservé l’usage :
 c’est le seul élément acceptable du décor.
                                         ‹ Je vous recommande, messieurs, à la protection divine ›. »







                                                  Maurice PERNOT, « Images de Lausanne », dans : Revue des Deux Mondes 1.7.1932.







 114                                                                                                                         115
   110   111   112   113   114   115   116   117   118   119   120