Page 213 - Livre Beau-Rivage Palace
P. 213

SOUVENIRS






 DU CHANTIER AU BAL

 1858-1861









 Anne VAN MUYDEN-BAIRD















 « À la sortie d’Ouchy, au bord du lac, il y avait une campagne appartenant à une Anglaise,
 Miss Allott ; celle-ci vendit sa propriété à une Société désireuse d’édifier l’Hôtel Beau-Rivage,
 dans cet emplacement si merveilleux […]. Marie Tissot [une amie] avait un jeune cousin,   L’hôtel terminé, on décida de célébrer l’ouverture par un grand bal costumé [le 24.3.1861].

 maçon de profession, qui travaillait à la construction de l’hôtel et lorsque
 notre promenade d’après-midi nous menait du côté d’Ouchy, nous nous arrêtions pour voir   Le Lausanne d’alors, ville gaie, comptait une société étrangère nombreuse.
 comment avançait la nouvelle construction, et Marie faisait avec son cousin un bout de causette   En hiver, les familles lausannoises quittaient leurs maisons de campagne pour celles plus agréables
                       et plus chaudes de la rue de Bourg ; la société de ce qu’on appelait ‹ Cour › était nombreuse
 pendant que nous, enfants, en profitions pour vite grimper sur l’échelle du maçon.
                              aussi et passait pour être plus libre que celle de la ville. J’étais encore très jeune
 La conversation terminée, nous reprenions notre promenade jusqu’au Denantou où nous avions   lorsque le bal costumé que j’ai entendu décrire eut lieu, mais je me souviens un peu

 la permission de jouer. Cette campagne était beaucoup plus vaste que celle de Bellerive,
                        de cet événement. Ce qui est resté dans ma mémoire est surtout la description de l’entrée
 plus attrayante et pleine d’imprévus […]. Lorsque l’Hôtel Beau-Rivage devint une réalité, que   sensationnelle dans les belles salles de bal, de trois messieurs de Morges – les trois frères Monod –,
 le parc si beau fut aménagé, que les arbres rares qu’il contient encore, furent plantés,
                                grands, beaux, magnifiquement vêtus représentant les trois mousquetaires
 on entoura le tout d’une balustrade ; puis on fit un large mur dont le dessus dallé de pierres plates   d’Alexandre Dumas […]. Un brillant cotillon avait clôturé cette fête. Ma mère nous donna
 servait de chemin public […]. Dans le bas du jardin de l’hôtel, il existe encore des platanes ;   les décorations qu’elle avait reçues de ses danseurs. »
 ceux-ci doivent être excessivement vieux, leurs troncs et leurs branches sont décharnés,
 mais dans ma jeunesse, c’étaient des arbres magnifiques, leurs immenses branches faisaient comme
 une voûte au-dessus du mur, qu’ils ombrageaient délicieusement […].













                                      Anne VAN MUYDEN-BAIRD, Ouchy mon village. Souvenirs de l’autre siècle : 1855-1880, Lausanne : Spes, 1943, p. 37-39.







 212                                                                                                                         213
   208   209   210   211   212   213   214   215   216   217   218