Page 247 - Livre Beau-Rivage Palace
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Fig. 1 Fig. 2 Fig. 3
LES DÉCORS DU PALACE: néo-baroques teintés d’Art nouveau. Dans la salle à manger, ils sont sol au niveau des galeries commerçantes, sous la colonnade exté-
rieure, certainement de la main de cet artisan (fig. 3). Les vitraux
conçus comme un hymne à l’abondance des biens terrestres, à la
UN HYMNE À L’ABONDANCE douceur de vivre, évoquant parfaitement les vers baudelairiens « Là, sont l’œuvre du Lausannois Pierre Chiara. Tout à côté de la cage
tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. » d’escalier, le premier ascenseur, de marque Schindler, avec sa
cabine en bois marqueté est installé pour la somme de 21 552
LE PASSAGE ENTRE LES DEUX HÔTELS francs. En 1965 , il est remplacé par un grand ascenseur placé
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Dès 1906, on établit un passage « au travers de la salle à manger dans le vide central de l’escalier, ce qui avait pour conséquence
ancienne, pour mettre en communication directe les deux bâtiments » . Lar- d’assombrir considérablement cet espace. Par chance, il a été sup-
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ge et spacieux, particulièrement soigné, il distribue les pièces d’ap- primé lors de la dernière restauration, ainsi l’escalier a-t-il retrou-
parat que le passant peut apprécier de l’extérieur, par des arcades vé son vaste dégagement et sa luminosité originels. Les lambris
ou des portes vitrées, et desquelles, en retour, il peut être vu ! (fig. 1 et les portes sont exécutés par la menuiserie Held de Montreux,
et 2). Ce passage théâtralisé fonctionne comme une carte de visite dont la spécialité était l’aménagement d’hôtels, d’immeubles lo-
Catherine SCHMUTZ
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annonçant l’opulence générale du lieu. catifs, de villas et de magasins . Celle-ci est responsable des me-
Dans son édition du 20 juin 1908, la Feuille d’Avis de Lausanne supérieurs – où l’on monte soit par l’ascenseur, soit par un escalier monu- nuiseries du sous-sol, du rez-de-chaussée et du premier étage,
donne un compte-rendu aussi élogieux qu’instructif de l’inaugu- mental aux marches de marbre blanc – sont réservés aux appartements LA CAGE D’ESCALIER DU PALACE alors que les étages supérieurs sont attribués à d’autres artisans.
ration du Palace : « Dans ce superbe palais, admirablement situé, tout privés […]. La maçonnerie de ce superbe édifice, tout en pierre blanche et Située en façade nord, elle concentre un certain nombre de
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se tient et tout se complète. Le confort y est parfait ; la mise en scène en granit, a été construite par MM. L. Chessex-Krieg et fils, entrepreneurs décors d’origine encore bien conservés, tels que le placage de pier- LA SALLE SANDOZ
luxueuse ; la distribution intérieure admirablement comprise. Tout concourt à Lausanne ; la gypserie et la peinture ont été faites par M. Henri Abrezol ; re sur les parois, les colonnes en stuc-marbre (appelé aussi marbre La salle à manger présente une organisation tripartite ; sa partie
à en faire un lieu de séjour enchanteur […]. Au rez-de-chaussée, on M. Louis Zwahlen, constructeur, a fourni la serrurerie d’art. Il y a des ba- artificiel) sur les paliers, les rampes d’escalier en fer forgé et les centrale est percée de trois baies en plein cintre, alors que les arrière-
trouve les locaux publics. C’est d’abord le grand hall central [actuelle lustrades et des grilles de fer forgé superbes. Les installations électriques ont vitraux éclairant ce bel espace de distribution. corps latéraux, avec voûtes en berceau à lunettes n’ont qu’une
Rotonde], qui relie les deux corps de l’hôtel, l’ancien et le nouveau. La été faites par les ateliers d’Oerlikon, bureau de Lausanne ; la vitrerie, les La rampe en fer forgé est attribuée au ferronnier d’art et ouverture chacun. La décoration de la salle à manger et du hall
décoration, style Louis xvi, est merveilleuse. Les sculptures et les peintu- glaces et les vitraux artistiques sortent des maisons P. Chiara et Dieckmann constructeur lausannois Louis Zwahlen (1857-1919), qui déploie commence probablement à la fin de l’été 1907, sur des dessins des
res du plafond et des médaillons, de M. Luigi Uberti à Lausanne, sont [sic] ; la menuiserie a été exécutée par M. Held, à Montreux ; MM. une activité extraordinaire au tournant des xix et xx siècles . En architectes Jost et Schnell. En effet, il subsiste aux Acm à l’epfl, un
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remarquables et font le plus grand honneur à ce jeune artiste. La chemi- Ch. Thévenaz et Ballenegger, et par M. Golay, menuisiers à Lausanne. » effet, on le trouve à Lausanne, Berne, Montreux, Évian, Divonne, dessin aquarellé de Jost daté de 1906 environ, présentant un décor
née de marbre rouge d’Italie, rehaussée de décorations et de statues de La Gazette de Lausanne renchérit en ces termes : « L’industrie Paris, Nice, Marseille, et même au Cap. En 1894, il occupe de 80 à tout à fait similaire à celui qui fut exécuté (fig. 4 et 5).
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bronze, également de Uberti, est une œuvre artistique du meilleur goût. hôtelière n’a rien produit de plus beau et de plus pratique à la fois ni sur 100 personnes, si l’on en croit le catalogue de l’Exposition canto- Avec les vitraux, c’est le décor en stuc et staff qui est marquant
L’ameublement, les tapis, la lustrerie de la maison Thibaut de Paris ; tout les rives du Léman, ni même en Suisse ou ailleurs. Les locaux publics, le nale d’Yverdon . Les archives du Beau-Rivage mentionnent que dans cette salle. Le staff, tel qu’on le rencontre le plus souvent, est
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cadre, tout s’harmonise. À côté, on trouve un coquet salon Louis xv, dans hall, la salle à manger, les salons sont par leurs dimensions, la décoration et le « revêtement en stuc, fausse pierre et faux marbre pour la cage d’esca- utilisé avant tout pour réaliser des corniches qui servent à masquer
les teintes blanche, grise, lilas et jaune, avec son élégant mobilier gris et l’ameublement, des merveilles. » lier » est conçu par l’entreprise Taponnier & Matringe. Spécialisée les raccords peu esthétiques entre les parois et le plafond. Dans la
lilas. La grande salle à manger [actuelle salle Sandoz] fait face au hall Dans ce concert d’éloges, une petite fausse note : la diver- dans les matériaux artificiels, elle est établie à Genève et à Lau- salle Sandoz, le staff trouve ses lettres de noblesse tant on en a fait
central, sur lequel elle ouvre par trois grandes baies. Cette salle est une gence entre les deux articles sur le style du grand hall central, Louis sanne ; son travail lui vaut la médaille d’argent à l’Exposition vau- un usage généreux et abondant. Ces ouvrages sont posés par l’en-
pure merveille, avec ses colonnades gris-bleu et rose, ses peintures si ar- xiv pour l’un, Louis xvi pour l’autre… Coquille typographique ? doise de Vevey en 1901. Quant au placage en marbre des marches treprise lausannoise d’Henri François Louis Abrezol (1852-1921),
tistiques du peintre Haberer, de Zurich, – un spécialiste qui a déjà signé ignorance du chroniqueur ? le style a finalement peu d’importance, d’escalier, il est réalisé par la marbrerie Rusconi. Les carrelages spécialisée dans le plâtre armé . Une publicité de 1912 donne un
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de nombreuses décorations d’hôtel, – ses trois énormes lustres et ses ap- ce qui compte ici, c’est l’effet produit par l’ensemble : un effet (aujourd’hui en partie disparus) sont posés par Pedroli, carreleur aperçu de sa production et mentionne les travaux exécutés à l’hô-
pliques. On pourra y servir des banquets de 400 couverts. Le service s’y palatial, luxueux. D’une manière générale, les décors du Palace, à et mosaïste installé à La Tour-de-Peilz, Lausanne et Montreux. tel : « Plafonds et voûtes en plâtre armé, système Rabitz. Eglises du Sentier,
fera habituellement par petites tables, pour 250 convives. Les cinq étages l’instar de ceux des hôtels montreusiens, se composent d’éléments Au Beau-Rivage Palace, il subsiste une belle et vaste mosaïque de de Villars-le-Terroir, de Leysin, édifice de Rumine, Beau-Rivage Palace,
La rotonde, anciennement grand hall, vue du couloir Ouchy-Lausanne. Beau-Rivage Palace-Hôtel. Le hall. Mosaïque devant les anciennes galeries commerçantes,
reliant le Beau-Rivage et le Palace. Carte postale, après 1909. sous la colonnade, actuellement terrasse couverte du restaurant.
Carte postale non datée. Le salon avec sa cheminée sommée d’un médaillon aujourd’hui supprimée
au profit d’un office.
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