Page 260 - Livre Beau-Rivage Palace
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Fig. 1 Fig. 2 Fig. 3
LES TAPISSERIES contenir le raisin pressé, et de récipients débordants de fruits de n’incluant pas l’allusion aux signes du zodiaque, établie par Van
saison dont l’un, une coupe, est tendu par une femme négligem-
Schoor pour ce même atelier ou pour un autre. L’existence d’une
DU BEAU-RIVAGE PALACE ment installée vers une belle femme assise au deuxième plan, en deuxième tenture des Saisons est d’ailleurs remarquée par Marthe
laquelle on reconnaît l’Automne. Couronnée de vigne et tenant un Crick Kuntziger . Une pièce absolument identique à celle de Lau-
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bâton orné d’un pampre, elle siège solennellement en déesse, une sanne (mais sans bordure) a été vendue à Paris le 17 juin 1921, avec
compagne à ses pieds tenant des grappes de raisin, et deux autres trois autres.
apportant des plats chargés des produits de la nature. Un homme, Divers tissages des Saisons appartenant à l’une ou l’autre des
peut-être Bacchus, se tient debout derrière elle. À droite, s’enfonce tentures sont visibles dans des collections publiques : l’Hiver figure à
une vallée ouverte dominée par un ciel incertain. Bruxelles aux Musées royaux d’Art et d’Histoire (Van den Hecke),
Cette tapisserie formait avec trois autres une tenture allégo- un Printemps se trouve à San Francisco au Fine Arts Museum, un
rique des Saisons. Les modèles sont dus à l’un des trois peintres les autre à Vienne au Kunst Historisches Museum (Van den Hecke)
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plus importants dans le domaine de la tapisserie en Flandres à la fin et un troisième à Munich (coll. de Bavière) . L’Automne et l’Hiver se
Nicole de REYNIÈS
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du xvii siècle et au premier tiers du xviii siècle : Louis van Schoor trouvent au musée des Arts Décoratifs de Zagreb .
VERDURE À PETITS PERSONNAGES (fig. 1) au minimum dès la fabrication. L’intérêt de ce genre de tapisse- (vers 1650-1702). L’attribution des suites (divers ensembles d’un
Ce grand paysage présente un intérêt particulier par ses di- rie était en effet, le plus souvent, d’éclairer et d’aérer les grands même dessin) s’appuie sur une mention de l’époque . Ces modèles CONVERSATION HOLLANDAISE /
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mensions, sa perspective bien conçue, et ses petites scènes de genre espaces des sombres demeures, d’en percer en quelque sorte les remonteraient aux années 1680 et auraient été souvent conjugués LES VENDEURS DE FLEURS (fig. 3)
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dispersées dans les arrière-plans. L’espace est occupé au premier murs et d’ouvrir sur la campagne et la nature, nature qui n’était pas aux Éléments selon l’appellation conjointe Saisons et Éléments don- Cette tapisserie faisait partie d’une tenture, c’est-à-dire d’un
plan par une rangée d’arbres formant comme un rideau, les plans nécessairement lointaine et exotique, mais au contraire proche et née dans un document contemporain d’un marchand anversois du ensemble de pièces, appelée à l’époque Conversations ou Paysans
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arrière se percevant par deux trouées. Ce premier plan est aussi immédiate. Par ailleurs, les teinturiers d’Aubusson au xvii siècle ne nom de Naulaerts. Le paysage est dû vraisemblablement à un autre hollandais pour des raisons inconnues. La tenture comprenait, en
meublé en partie basse de belles plantes – qu’un botaniste pour- connaissaient pas toutes les méthodes de teinture et les manufactures peintre selon les pratiques de l’époque. outre, une Assemblée jouant de la musique, Le Retour de la chasse et la
rait nommer tant elles sont bien rendues – bordant une rivière. Le réclamaient, en vain, un teinturier au roi. Ces femmes élégantes, plutôt minces, en robes plus ou moins vente du gibier, La Vente de fruits et légumes.
deuxième plan, un terrain ondulé, est le lieu où se côtoient hom- Les verdures les plus comparables sont celles d’Audenarde, en à l’antique et portant une sorte de diadème de cheveux au som- La pièce fut tissée dans la première moitié du xviii siècle, à
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mes et animaux. Dans une maison rurale, sous un auvent couvert Flandres – ville qui en produisait un grand nombre – et celles des met du visage sont en effet spécifiques de l’esthétique du peintre Audenarde ,ville qui faisait alors partie des Flandres. On sait par
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de paille, des hommes attablés trinquent alors que dans la campa- ateliers (tous privés) de la région dite alors d’Auvergne ou des Van Schoor. Une parenté de dessin avec une tapisserie dite L’Abon- les archives que les ateliers de Van Reggelbrugghe, de Jean-Baptiste
gne deux voyageurs – des marchands ? – sont à l’arrêt. Un château et Marches, c’est-à-dire d’Aubusson, de Felletin, et des lieux environ- dance qui complétait une tenture des Continents, du même artiste, Brandt, d’Albert Goeman puis ceux de Georges-Frans Boele et de
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une ville au loin sont accessibles grâce à un pont. nants. Le dessin des bordures, aux fleurs très distinctes, correspond à doit être notée . sa veuve produisirent cette tenture jusqu’en 1763. Les premières
Le modèle de la plupart des verdures est inconnu. Mais il est celui trouvé dans cette région des Marches. Malheureusement, peu À cette époque les tapisseries peuvent être tissées sans bor- pièces pourraient dater de 1707.
vraisemblable que les nombreuses estampes de paysage qui circu- de pièces portent une marque et la production de chaque atelier dure. Celle-ci, établie indépendamment, a pu être rapportée pour Elle représente deux groupes de personnages placés en frise
laient en Europe influençaient les cartonniers qui cependant pou- reste difficile à cerner. Le tissage, ici, est d’une bonne qualité bien répondre à la demande d’un client. Elle imite un cadre de tableau, sur un chemin bordant un tertre arboré. Celui-ci laisse voir au cen-
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vaient combiner les sources ou ajouter quelques éléments. que sa finesse ne soit pas extrême. Notons que les paysages tissés comme cela est courant au xviii siècle. tre, dans le lointain, un parc classique, avec grand canal et fontaine,
Depuis toujours, ce goût pour la nature était très répandu à Paris, moins nombreux, sont plus fins et possèdent des bordures Le tissage d’une tenture des Saisons a été effectué à Bruxelles au fond duquel apparaît un château. D’un côté une fleuriste coupe
dans les milieux aisés qui s’offraient des tapisseries, engouement très spécifiques. dans l’atelier de Jean-François Van den Hecke . Un Automne les fleurs d’un pot et un homme les assemble en bouquets tandis
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dont maints inventaires après décès témoignent ainsi que le nom- attribué à cet atelier fait partie des collections du Metropolitan qu’un troisième personnage a attiré une femme qui respire le par-
bre considérable des pièces subsistantes. Si les couleurs autres que LES SAISONS / L’AUTOMNE (fig. 2) Museum of Art à New York . Plus riche, il diffère en de nombreux fum d’un bouquet. De l’autre côté, une femme assise est entourée
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le vert qui égayaient ces paysages n’ont plus la même vigueur, La scène s’étage en plusieurs plans. Le premier est constitué points de celle de Lausanne, mais la pose de la figure allégorique de deux enfants, l’un entourant son épaule et lui faisant humer des
voire ont totalement disparu, celles-ci étaient cependant réduites de légumes de l’automne (courges…), de vases somptueux devant est identique. La pièce de Lausanne doit être une variante, variante fleurs, l’autre portant un panier de fleurs variées.
Verdure à petits personnages. Les Saisons / L’automne. Conversation hollandaise / Les vendeurs de fleurs.
Aubusson ou Felletin, fin XVII e - début XVIII e siècle. Flandres, Modèle de L. van Schoor, vers 1680. Audenarde, première moitié du XVIII e siècle.
280 x 365 cm (bordure comprise), 4 à 5 fils au cm. 315 x 436 cm, 7 à 8 fils de chaîne au cm, laine et soie. 326 x 317 cm, 6 fils de chaîne au cm. Bordure originelle.
Bordure originelle repliée. Bordure ancienne rapportée et retissée aux angles.
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