Page 27 - Livre Beau-Rivage Palace
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Fig. 1           Fig. 2                                                  Fig. 3

 NAISSANCE ET DÉVELOPPEMENT   d’esprit  baroque  dont  le  corps central  est  surmonté  d’une  hor-  l’encombrent et que la douane soit démolie car elle prive une
                  loge et d’un clocheton qui seront remplacés en 1880 par un étage-  partie des maisons d’une très belle vue sur le lac alors qu’elle n’a
 DE LA VILLÉGIATURE À OUCHY  attique partiel .  En 1802-1803, l’architecte Alexandre Perregaux   plus d’utilité depuis l’instauration du marché commun helvétique
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                  construit à l’est de ce dernier une maison de maître, l’actuel Hôtel   qui a considérablement réduit le trafic douanier. Ils craignent que
                  Résidence ; il l’implante perpendiculairement au lac car la vue   les touristes ne préfèrent Montreux à Lausanne et que le chemin
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                  sur celui-ci était alors obstruée par le vaste bâtiment des halles ou   de fer, alors en projet, ne fasse du tort au transport lacustre. Les
                  douane d’Ouchy. Coiffé d’une imposante toiture à la Mansart, cet   autorités communales répondent enfin à leurs attentes en fai-
                  entrepôt avait été rebâti en plusieurs étapes entre 1713 et 1784.   sant dresser un projet d’aménagement du rivage, qui est adopté
                      Les habitants du village ne partagent pas l’opulence de leurs   au début de l’année 1856. Œuvre de Georges Krieg, architecte-
                  nouveaux et riches voisins. Ils tirent tant bien que mal leur subsis-  entrepreneur et conseiller communal, le plan prévoit d’établir au
                  tance du lac et se plaignent des carences du bassin portuaire qui, mal   sud et au sud-ouest du château un grand quai en avancée sur le lac,
                  protégé, s’ensable continuellement. Aucun charme particulier ne   qui serait destiné en premier lieu à l’entreposage des marchandises.
 Joëlle NEUENSCHWANDER FEIHL
                  semble se dégager du lieu; si les premiers guides touristiques vantent   Or l’État de Vaud, intéressé en tant que propriétaire du château et
 LE PORT DE LAUSANNE  château fort. À la suite de la conquête du Pays de Vaud par les Ber-  les agréments de la campagne alentour, ils ne signalent pour Ouchy   des grèves, décide d’étudier son propre projet, bloquant ainsi la réa-
    La localité d’Ouchy apparaît probablement après que les ha-  nois, le château devient propriété de ces derniers qui le maintien-  que la tour et le séjour que firent Byron et Shelley en juin 1816 au   lisation de la proposition communale. En réalité, Ouchy subit les
 bitants du vicus de Lousonna, qui se situait au bord du lac à Vidy, se   nent dans sa fonction militaire jusqu’en 1617, date du traité qui met   Logis d’Ouchy où le premier écrivit The Prisoner of Chillon .  conséquences d’une situation politique tendue entre des autorités
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 furent progressivement installés dès la fin du iii  siècle sur la colline   fin à la guerre contre la Savoie. Dès lors, enceintes et bâtiments ne   communales d’obédience libérale et un gouvernement cantonal
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 de la Cité plus aisément défendable. L’activité portuaire se dépla-  sont plus entretenus et tombent progressivement en ruine, sauf la   LES PREMIERS TRAVAUX D’EMBELLISSEMENT  dont la majorité radicale est plus encline à favoriser les campagnes
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 ce alors de Vidy à Ouchy qui offre une petite baie pouvant servir   tour qui est utilisée comme grenier. À la fin du xvii  siècle, le village      L’avènement de la navigation à vapeur modifie le statut du   auxquelles elle doit son élection.
 d’abri précaire aux bateaux et qui est plus proche de la nouvelle   ne regroupe qu’une vingtaine de bâtiments dont l’auberge commu-  hameau qui devient une des portes principales de la capitale vau-     C’est en définitive une société privée, dont le comité provi-
 agglomération. À la fin du vi  siècle, l’évêque transfert d’Avenches   nale du Logis d’Ouchy, édifiée en 1572 (fig. 1). Le port n’est protégé   doise. Un premier bateau est mis à l’eau à Genève en 1823, suivi   soire se constitue à fin de l’hiver 1856 déjà, qui va se charger de la
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 à Lausanne le siège de son diocèse. La ville est dès lors placée sous   par aucun ouvrage; il ne le sera qu’en 1793, lorsque les autorités   d’un second l’année d’après. Les Lausannois lancent le leur en 1826.  réalisation des travaux souhaités par les habitants du village, en y
 l’autorité temporelle et spirituelle de l’évêque, prince d’Empire à   lausannoises, accédant enfin aux multiples requêtes et pétitions des   Privilégiant le transport lacustre, plus rapide et plus confortable   ajoutant l’aménagement d’une promenade et la construction d’un
 partir de 1032. Elle devient un centre de pèlerinage idéalement si-  bateliers et habitants d’Ouchy, font édifier une jetée au sud-est du   que le service de diligence, les voyageurs sont de plus en plus nom-  hôtel de première classe. Issus des milieux bancaires, commerçants
 tué au carrefour de grandes voies de communication; son rayon-  château, qui sera complétée par un quai en 1795 (fig. 2) .   breux à transiter par Ouchy. Mais lorsqu’ils débarquent, d’abord   et judiciaires, ses membres sont politiquement actifs au sein du Parti
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 nement et son extension urbaine vont s’intensifier jusqu’au début      Dès 1770, des édifices de belle prestance, baroques puis néo-   en recourant aux services d’un radeleur qui vient les chercher au   libéral . Certains d’entre eux appartiennent au législatif cantonal ou
 du xiii  siècle, avant de décliner progressivement. Dénommé Rive   classiques, font leur apparition aux abords du hameau; il s’agit pour   large, puis dès 1853 en empruntant le débarcadère, ils peinent à se   communal, et parfois même aux deux instances; ils sont par consé-
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 ou Rive d’Oschie au Moyen Âge, le hameau d’Ouchy dépend de   la plupart de maisons de campagne, résidences d’été de riches étran-  frayer un passage parmi les marchandises entreposées sur le quai,  quent bien placés pour surmonter les clivages entre la Ville et l’État
 la paroisse de la cathédrale et appartient à l’évêque. Son port se   gers ou de grandes familles lausannoises qui y convient volontiers   avant tout des matériaux de construction comme le bois, la pierre   et faire aboutir la négociation. Ces hommes sont d’ardents partisans
 développe mais n’acquiert pas l’importance de ceux de Morges,   leurs amis d’ici ou d’ailleurs. Ainsi à proximité du lac sont bâties   et le sable, les bateaux échoués, les chaînes et les amarres de toutes   du progrès technique et, pour suppléer au manque de moyens des
 Villeneuve ou Genève qui sont situés aux points de rupture de   ou réaménagées les maisons de maître de l’Élysée en 1780-1783,   sortes, sans compter les blanchisseuses qui lavent leur linge et les   administrations publiques, ils préconisent l’implication des socié-
 charge. Une tour de défense y est toutefois élevée par Landry de   de Bellerive en 1787, de Fantaisie en 1792-1793, de Souvenir en   pêcheurs qui réparent leurs filets (fig. 3). Les élus d’Ouchy mul-  tés privées dans la mise en place des infrastructures. Les démarches
 Durnes, évêque de 1159 à 1177 environ . Partiellement détruite en   1801-1802 et du Denantou en 1818-1820 . À Ouchy même, la   tiplient en vain les interventions pour demander que les abords   qu’ils mènent auprès des deux parties sont rapidement couronnées
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 1207 par Thomas de Maurienne, elle est reconstruite avant 1212 et   Ville de Lausanne entreprend en 1775 de reconstruire son auberge.   du lac soient améliorés. En 1853, les citoyens d’Ouchy réunis en   de succès. Le 14 mai 1857, le Grand Conseil accepte sans débat la
 probablement associée à d’autres aménagements à caractère défensif   Le bâtiment, à l’enseigne de l’Hôtel d’Angleterre depuis 1868,    assemblée dressent la liste de leurs doléances. Ils souhaitent que la   convention selon laquelle l’État participe de moitié aux frais de dra-
 puisqu’en 1283 il est fait mention d’un castrum, soit d’un véritable   est l’œuvre de l’architecte Abraham Fraisse qui conçoit un édifice    baie soit draguée, que le rivage soit débarrassé des matériaux qui   gage du port et cède à la future sio du terrain à l’ouest du château ,
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 Plan cadastral dressé entre 1674 et 1679 par Pierre et Jean-Philippe Rebeur.   Yves Dulat, le port d’Ouchy.   Le port d’Ouchy.
 À l’est du village, le Logis d’Ouchy est identifiable à son clocheton.  Aquarelle et crayon, 1816.  Photographie, entre 1849 et 1857.



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