Page 49 - Livre Beau-Rivage Palace
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des guides de voyage, qui est de dire les possibles tout en laissant   les manières de voyager dès les premières décennies du xx  siècle,   des voyageurs. En 1859, Karl Baedeker affirme ainsi clairement      En renvoyant de la sorte les voyageurs et les hôteliers dos à dos,
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 une place au rêve et à l’expérimentation personnelle. Il souligne   a posé un vrai problème aux guides touristiques, qui ont alors dû   les buts de son ouvrage : « L’auteur se propose avant tout de soustraire   les guides se donnent rapidement une position surplombante par
 en tout cas avec acuité la difficulté de tout guide : dire le plus pos-  réaliser une profonde transformation. En prise avec le monde, tri-  autant que possible le voyageur à l’incommode et souvent invisible tutelle   rapport au monde du tourisme de leur temps. Arbitres au-dessus de
 sible de la manière la plus concise possible, puisqu’un ouvrage de   butaires des types d’accès possibles pour se rendre en tel ou tel lieu,   des domestiques de place, des guides [humains], des voituriers et même   la mêlée, éducateurs des uns et des autres, ils se dessinent peu à peu
 ce type doit pouvoir être emmené en voyage, dans des sacs et dans   les guides de voyage ont en effet toujours dû s’adapter aux moyens   des aubergistes ; de lui [sic] aider à se rendre indépendant, et de le dis-  une place de choix qui leur permet de critiquer également les deux
 des poches, et n’est pas pensé comme un livre de bibliothèque.  de transport en usage, diligence, mulet ou marche ici, bateau et   poser à jouir pleinement des impressions que la Suisse doit éveiller dans   parties. Comment les hôteliers ont-ils réagi devant ce positionne-
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 L’information relative au Beau-Rivage dans les guides Baedeker ne   train là, et, depuis le tournant des xix  et xx  siècles, l’automobile.   l’âme du voyageur. » (Baedeker, 1859, p. iii)   ment désavantageux pour eux ? Il faudrait mener une enquête sur
 change pratiquement plus jusqu’en 1928 (sauf pour se compresser   Puisqu’elle n’est pas tenue au lourd et limité réseau des chemins      On sent que tous les hôteliers ne sont pas exempts de critique,  une base documentaire plus large que celle que nous étudions ici.
 encore un peu, adapter les prix et modifier le nom après l’impor-  de fer, mais qu’elle peut commencer à emprunter le maillage des   et les auteurs de guides relatent tous des expériences difficiles où ils   Mais plusieurs solutions étaient possibles, dont deux sont directe-
 tant agrandissement de l’hôtel en 1908), aussi nous prenons notre   routes secondaires, la voiture – outre le fait qu’en cela elle modifie   se sont sentis trompés ou abusés, par la facturation d’un service non   ment déductibles de nos sources : celle, d’abord, de refuser de faire
 dernier exemple dans le guide Joanne de 1908 : « Beau-Rivage*  l’accès et la relation à l’espace – va en effet obliger les guides à une   concrétisé (une bougie qui a à peine brûlé, une malle qui n’a pas été   sa publicité dans un guide, et celle, plus contestable, qui consiste à
 (de tout 1  ordre ; agrandi, confortable ; ch. dep. 5 fr., du 15 mars au 1  nov.,  refonte importante de leurs pages et de leurs manières de présenter   amenée de la gare, un domestique qui devait vous guider, mais qui   soudoyer les auteurs de guides. Karl Baedeker (qui perd rarement
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 dep. 4 fr. le reste de l’année ; lunch à t. d’hôte, par petites tables, 4 fr., dîn.,  une région ou un pays à la visite.  n’était pas là…) ou par des tarifs à la tête du client. Murray relève   une occasion pour éduquer ou édifier les acteurs du tourisme de
 idem, 5 fr. ; servis au rest. 5 et 7 fr. ; bains, 2 fr., pens. dep. 12 fr. été, dep. 10      La lecture des guides de voyage révèle une foule d’informa-  ainsi que les voyageurs anglais paient régulièrement plus en Suisse   son temps) affirme son incorruptibilité en 1859 : « En réponse à de
 fr. hiver ; jardin magnifique ; tennis ; concerts ; établ. balnéaire ; grand [ici le   tions, non seulement sur des bâtiments et des lieux, mais aussi sur   que les Français et surtout les Allemands, sous prétexte qu’ils ont à la   nombreuses lettres de maîtres d’hôtels, quelques-unes accompagnées d’envois
 symbole d’une voiture qui indique un « autogarage »], très bien situé   des pratiques et des modes culturelles ou esthétiques. Pour ce qui   fois des bourses mieux garnies et des désirs plus difficiles à satisfaire.  d’argent ou de comestibles qui ont été naturellement renvoyés sans délai aux
 au bord du lac.) » (Joanne, 1908, p. 55 des renseignements pratiques).  concerne Ouchy, elle permet aussi de relever le fort développe-  Baedeker proteste régulièrement contre la surfacturation (il réclame   expéditeurs, l’auteur déclare que ses recommandations ne peuvent être ache-
    En cette Belle Époque triomphante, on constate dans cette   ment de l’infrastructure hôtelière à partir des années 1870, déve-  des notes détaillées la veille du départ pour pouvoir les contrôler)   tées par aucun moyen direct ou indirect. Il n’a qu’un but, celui d’être utile
 notice (qui tient presque plus du message codé que d’une formu-  loppement qui inscrit peu à peu dans les guides les noms des hôtels   et raconte qu’il a déposé un soir ses habits et bottes devant la porte   au voyageur, tout autre intérêt lui reste étranger. » (Baedeker, 1859, p. v)
 lation française) que les pratiques touristiques continuent à évoluer.  et pensions qui valent, selon eux, leur recommandation . Ainsi, on   de sa chambre et qu’il ne les a jamais revus. Quant à Joanne, il peste      Et pourtant, que seraient les guides sans les auberges et les
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 On relèvera ici essentiellement deux points : les repas et le garage.  voit l’ancien village de pêcheurs s’étendre et devenir le lieu de pra-  contre les hôteliers qui, devant un voyageur arrivant à pied et le sac   hôteliers ? Probablement une diligence à laquelle il manquerait
 Dans un descriptif qui lutte de façon évidente pour être bref, on lit   tiques neuves, plus urbaines et bourgeoises. Aux environs de 1900,   au dos, refusent de le loger ou le relèguent dans la chambre la plus   une roue ou une chaise bancale. Car à quoi bon raconter l’his-
 en effet avec un peu de surprise que si l’on mange à la table d’hôte,  il sera d’ailleurs rattrapé par la ville de Lausanne en forte croissance   petite qu’ils lui font ensuite payer un prix exorbitant.  toire de tel château, les émotions possibles à partir de tel point de
 c’est « par petites tables », et que, parallèlement, on peut aussi manger   et commencera une vie nouvelle : celle de quartier.     Si ces habitués du voyage ont de nombreux conseils pratiques   vue, l’aventure arrivée à tel voyageur connu, les routes à suivre et
 au restaurant. Deux modes de restauration coexistent en fait ici : la   à donner aux hôteliers, ils en ont aussi bien d’autres à dispenser   les moyens de transport pour s’y rendre, si l’on ne peut pas dire
 tradition des tables d’hôtes, ces grandes et longues tablées qui réu-  LES GUIDES ET LES HÔTELS :   aux voyageurs eux-mêmes. Là encore, citons Baedeker en 1852 :   aussi où dormir et manger ? En cela, les hôteliers détenaient sur
 nissaient tous les voyageurs d’une auberge, et la nouveauté des ta-  ENTRE CRITIQUES ET BESOIN  « Au reste, le traitement dont les étrangers sont l’objet est subordonné à leur   les guides et le monde du voyage un pouvoir réel. C’est proba-
 bles séparées qui permettaient aux convives de ne manger qu’avec      Les guides et les hôtels font donc partie d’un même système,   propre manière d’être. Celui qui voyage escorté de coffres pesants, qui fait   blement de l’équilibre des forces qui a quand même fini par se
 les gens de leur connaissance, et donc d’éviter la mixité sociale. On   celui de l’industrie touristique qui s’est mise en place dans la   beaucoup de bruit, qui blâme chambre et lit, qui trouve à redire aux mets et   faire qu’est née la collaboration entre les guides et certains hôte-
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 peut d’ailleurs souligner que cette coutume a souvent posé bien des   première moitié du xix  siècle. À ce titre, ils ont besoin les uns   aux boissons, qui met sans cesse la sonnette en mouvement pour la satisfac-  liers, collaboration qui table à la fois sur une fonction essentielle-
 problèmes aux voyageurs attentifs à leur statut social, puisqu’ils ne   des autres, les premiers pour proposer une offre complète à leurs   tion de toutes ses petites exigences, celui-là ne pourra se plaindre, si la carte   ment pratique et sur beaucoup de séduction, comme l’attestent
 savaient pas s’ils pouvaient discuter avec leurs voisins de table sans   lecteurs-voyageurs, les seconds pour faire leur publicité. Les rap-  est élevée ; quelque enflé que soit le mémoire, il sera peut-être encore trop   les mentions relatives aux parcs et aux terrasses magnifiques, ainsi
 déchoir. La pratique de la table d’hôte fragmentée en petites tables ne   ports qu’ils ont entretenus n’ont pourtant pas toujours été faciles,   modéré […]. Il faut savoir prendre les choses comme elles sont, et […] il   que les vues splendides (voir prospectus p. 53).
 durera guère d’ailleurs, puisqu’elle double le restaurant tout en étant   et les guides en gardent des traces. Il faut dire que ces derniers   ne faut pas être de mauvaise humeur, parce que tout ne va pas comme chez       Malgré cet antagonisme, qui peut être très prononcé à cer-
 moins chère. Quant au garage, qui apparaît ici sous le néologisme   ont, à l’origine, été rédigés par des auteurs qui se sont eux-mêmes   soi. Celui qui se fait un plaisir de blâmer tout ce qui ne se fait pas de même   taines périodes, il est quand même quelques sujets sur lesquels les
 d’« autogarage », il rappelle que la voiture, qui commence à influencer   frottés au voyage  et qui, de ce fait, se trouvent plutôt du côté   que dans son pays fait mieux d’y rester. » (Baedeker, 1852, p. xv-xvi)  guides prennent régulièrement la défense des hôteliers face aux
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