Page 51 - Livre Beau-Rivage Palace
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voyageurs grincheux, et notamment la qualité et les prix. Nous      Mais la grande particularité des guides tient à leur fonction    1. Alain CORBIN, Le territoire du vide, l’Occident et le désir du rivage (1750-1840), Paris : Aubier,
                     1988, p. 59.
 constatons que, dès la fin du xviii  siècle, la Suisse a la réputation   de médiation, de trait d’union entre le monde, un savoir, des possi-     2. Nous avons cependant aussi des témoignages de voyageurs y ayant fait de plus longs
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 d’un pays cher et que les guides font tout leur possible pour re-  bilités d’émotions et de réalisations pratiques, ainsi que des lecteurs.       séjours, tels l’historien anglais Edward Gibbon ou Voltaire, par exemple.
                   3. Daniel ROCHE, Humeurs vagabondes, de la circulation des hommes et de l’utilité des voyages,
 lativiser cela, soit en expliquant, comme Ebel en 1795, que les   Que sont-ils, en effet, sinon des accès à des espaces inconnus, à des         Paris : Fayard, 2003, p. 505. Voir spécialement le chapitre intitulé : « L’hospitalité, du don
                     à l’économie », p. 479-566.
 prix sont plus hauts en Suisse « pour des raisons toutes naturelles »   connaissances sur ces lieux et à des sentiments à concrétiser ? L’en-   4. Les plus grandes différences se marquent entre les routes fréquentées et les lieux plus
                      à l’écart, ainsi qu’entre le nord et le sud de l’Europe : dans la moitié nord de l’Europe et le
 (Ebel, 1795, p. 29), mais qu’il ne détaille pas, soit en évoquant la   cre déposée sur leurs pages a ainsi pour but d’inscrire des possibles,       long des grands axes, les auberges sont nombreuses, alors que sur le réseau secondaire et
                      dans la moitié sud, elles sont non seulement beaucoup plus rares, mais aussi plus critiquées.
 qualité du traitement proposé par les auberges et hôtels helvéti-  des choses à voir et à faire, des bateaux à prendre, des lieux où dor-   5. Voir l’une des rares études qui s’intéresse aux côtés les plus pratiques des voyages des
 ques. Murray, Joanne et Baedeker sont ici d’accord pour vanter   mir, mettant en réseau la ligne de chemin de fer, l’hôtel, le Clarens         grands-touristes : Attilio BRILLI, Quand voyager était un art, le roman du Grand Tour, Paris :
                     Montfort, 2001, et spécialement les pages 128-144 : « Relais postaux, auberges et hôtels. De
                     l’hospitalité privée aux chambres d’hôtes. »
 l’hôtellerie suisse : « On peut poser comme une règle générale que les   de Rousseau, le steak d’ours de Dumas ou les vertiges de la Gemmi.      6. C’est-à-dire le ciel d’un lit à baldaquin.
 besoins, les goûts et les habitudes des Anglais sont étudiés plus attentive-  On peut donc voir les guides comme des reflets du monde et    7. Léopold de BERCHTOLD, cité par Heinrich August Ottokar REICHARD, Guide des voyageurs en
                     Europe, tome 1 : Introduction, Weimar : Bureau d’Industrie, 1802, p. LIII-LV.

 ment et avec plus de succès dans les auberges suisses que même dans celles    tâcher méticuleusement d’y retrouver le Lausanne de 1820 ou de     8. Par mesure de simplification, nous qualifierons de « Suisse » l’ensemble de l’espace que recouvre
                      aujourd’hui ce pays, même si la réalité géopolitique du temps était un peu différente.
 d’Allemagne. » (Murray, 1838, p. xx – nous traduisons) « On rencontre   1913. Mais on a vu qu’en fait de reflets, ils pouvaient être bien plus    9. Voir (entre autres) : Joseph ADDISON, Remarks on several parts of Italy, etc. in the years
                      1701, 1702, 1703, Londres, 1705, et Albrecht HALLER de, Récit du premier voyage dans les
 même [des auberges] qui sont si propres et si bien tenues, que l’on se   que des images arrêtées d’un temps révolu. Par l’animation d’une       Alpes (1728), Saint-Gall. Hausmann AG, 1948.
 sent tenté de s’y reposer pendant plusieurs jours de ses fatigues, et qu’en   lecture diachronique, ils peuvent en venir à représenter plus que     10. Citons, entre autres : Jean-Didier URBAIN, L’idiot du voyage. Histoires de touristes, Paris :

                     Payot, 1993 [1991] ; Laurent TISSOT, Naissance d’une industrie touristique. Les Anglais et la
 les quittant on se promet d’y revenir encore. » (Joanne, 1841, p. 16) « La   des lieux ou un savoir, mais les pratiques mêmes du voyage de         Suisse au XIX e  siècle, Lausanne : Payot, 2000 ; Catherine BERTHO-LAVENIR, La roue et
                     le stylo, comment nous sommes devenus touristes, Paris : Odile Jacob, 1999 ; Daniel NORDMANN,
 Suisse a peut-être les meilleurs hôtels du monde […]. Les auberges d’un   toute une époque.           « Les Guides-Joanne, ancêtres des Guides Bleus », dans : Pierre NORA (dir.), Les lieux de
                      mémoire : la Nation, p. 1035-1071, Paris : Gallimard, 1986.
 rang inférieur sont souvent très-bien entretenues ; il est rare d’en trouver de     11. Nous menons actuellement un travail de thèse sur le sujet.
                    12. On cite habituellement comme initiateur et l’un des meilleurs exemples de ce mouvement le
 tout à fait mauvaises. » (Baedeker, 1852, p. xv)  Sentimental Journey de Laurence STERNE (1768).
                    13. La formule est de l’historien Gilles Bertrand « L’expérience géographique de l’Italie dans
    Un accord général dépassant les querelles ponctuelles, tou-      les guides de voyage du dernier tiers du XVIII e  siècle », dans : Gilles CHABAUD et al.,
                    Les guides imprimés du XVI e  au XX e  siècle, p. 377-389, Paris : Belin, 2000.
 jours possibles cependant, semble avoir été quand même trouvé     14. Les promenades évoquées sont en fait situées à la hauteur de la place Saint-François (limite
 assez tôt entre les guides de voyage et les hôtels, au-delà des at-     15. Henri HEIDEGGER, Manuel pour les voyages par la Suisse, Zurich : Orell, Gessner, Fuesli et cie, 1787.
                     sud de la ville à cette époque), c’est-à-dire Montbenon et Derrière-Bourg.
 tentes et des intérêts parfois très personnels des uns et des autres.     16. Il les mentionnera par contre en 1819, dans la quatrième édition de son guide, où il
                      recommande laconiquement cinq auberges : « le lion d’or, le faucon, la couronne, la balance,
 Ces  deux  acteurs d’un même marché,  celui du  tourisme  de  la       le cerf. » (Henri HEIDEGGER, Manuel du voyageur en Suisse, Zurich : Orell, Fuseli et cie,
                      1819, p. 207.)
 deuxième moitié de xix  siècle, avaient en effet un égal intérêt à     17. Thomas MARTYN, Guide du voyageur en Suisse, Lausanne : Jean Mourer, 1788, 1790 et 1794.
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                    18. Laurent TISSOT, Naissance d’une industrie touristique. op. cit., p. 72.
 le voir se développer et fonctionner à satisfaction, vu qu’ils s’adres-    19. Alors que le Baedeker ne recommande que 5 hôtels en 1852, ce chiffre monte à 34 en 1913
 saient à la même clientèle. Mais contrairement aux infrastructures         et même à 42 si l’on compte les 8 hôtels d’Ouchy ; il faut dire que l’on est alors à l’apogée
                     de la Belle Époque.
 lourdes que sont les constructions, les voies de communication et     20. On peut relever qu’en 1859, le Baedeker remplace même cette référence culturelle par une
                      information des plus pratique : « *Ancre, modéré ; au-dessous de l’escalier extérieur est
 les moyens de transport, les guides ont un statut beaucoup plus       un débit de vin, agréable aux piétons qui attendent le bateau à vapeur » (Karl BAEDEKER,
                    La Suisse, les lacs italiens, Milan, Turin, Gênes et Nice. Manuel du voyageur, Coblenz :
 volatile dans cette industrie, puisqu’ils connaissent régulièrement       K. Baedeker éditeur,1859, p. 167).
                    21. Citons chronologiquement les établissements mentionnés dans les guides de notre corpus :
 modifications, corrections et mises à jour. À ce titre, ils composent       l’hôtel du Port, la villa Roseneck, la pension du Chalet, l’hôtel du Château, la pension la
 assurément une part plus labile de ce marché, mais la pérennité et         Printanière, l’hôtel du Parc, l’hôtel Carlton, la pension Joli-Site, le Savoy-Hôtel, l’Hôtel
                     Royal, l’Hôtel-Pension des Alpes, la pension Seiler, de la pension du Château de Vidy et,
                     après la Première Guerre, les hôtels Meurice, Balmoral, Windsor & Montana ainsi que Mont-Fleuri.
 la notoriété des maisons d’édition (les guides Baedeker étaient si       22. John Murray, Adolphe Joanne et Karl Baedeker relèvent tous leur expérience du terrain dans
 connus qu’au début du xx  siècle, ce nom seul était synonyme de       la préface de leur premier guide sur la Suisse.
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                    23. Rappelons qu’entre 1850 et 1914, un nouveau Baedeker en français sur la Suisse sortait
 « guide ») étaient loin d’en faire des acteurs secondaires. Leur sou-      tous les deux ou trois ans, venant s’ajouter aux éditions en langues allemande et anglaise,
                      ainsi qu’à tous les autres guides sur les autres pays…
 plesse était d’ailleurs aussi une force, puisqu’ils pouvaient s’adapter
 régulièrement aux changements en cours .      Bibliographie en page 432.
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 L’imagerie du Léman – popularisée par la littérature, la peinture, le cinéma
  (voir notamment La vocation d’André Carel, Jean Choux, 1924) – avec sa barque
 caractéristique, les côtes françaises et les montagnes en arrière-fond,
 résumée dans une étiquette de bagage, vers 1930.
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