Page 121 - Livre Beau-Rivage Palace
P. 121

Fig. 3

 en l’occurrence à Smyrne comme le souhaitaient les Turcs qui   sont construits, d’autres sont transformés. Ces aménagements im-  situé au centre-ville, à quelques centaines de mètres du Lausanne-  relations diplomatiques entre la France et l’Angleterre. Néanmoins,
 venaient d’en déloger les occupants grecs. Exclu aussi de retenir   mobiliers et paysagers étaient portés par une politique de promo-  Palace et le Château d’Ouchy, tout à côté du Beau-Rivage. Mal-  les grandes puissances se partageaient les hôtels les plus luxueux, le
 Londres ou Paris, dont les intérêts sur ces questions paraissaient   tion et de commercialisation de la ville touristique. En 1880 était   gré les souhaits et les protestations des commerçants de Lausanne,  Beau-Rivage Palace « grand hôtel de ville d’eaux » et le Lausanne-
 trop divergents. Exclu encore d’aller à Venise, ce qui aurait confé-  fondée la Société lausannoise d’intérêts publics qui fusionna avec   relayés au Conseil d’État, qui n’hésitèrent pas à proposer à la   Palace « transatlantique chargé de toutes les races du monde.  » Les dé-
                                                                                                                       11
 ré au nouveau dictateur Mussolini le bénéfice de la présidence.   la Société pour le développement de Lausanne, quelques années   Municipalité une allocation mensuelle pour indemniser l’Hôtel   légués de la Grèce, pays belligérant mais marginalisé dans la confé-
                                                                    9
 Genève était alors le siège de la sdn, mais il ne convenait ni aux   après la création de l’Association suisse des hôteliers. En 1892 pa-  de la Paix d’où seraient délogés les clients qui l’occupaient , le   rence, se retrouvaient à l’Hôtel Royal. Le statut « d’observateurs » des
 Américains ni aux Soviétiques, puissants observateurs des négocia-  raissait le premier numéro du périodique Hôtel-Revue ou Revue   château du bord du lac, inoccupé, fut retenu pour les réunions   Américains ne les empêchait pas de partager le même hôtel avec
 tions. Les Anglais proposèrent Lausanne, proposition mollement   suisse des Hôtels, et un premier Almanach des hôtels suisses qui pré-  des commissions. La grande salle du Casino de Montbenon reçut   l’Angleterre. Les Français étaient logés à la même enseigne que leurs
 contestée par les Turcs qui préféraient Lugano peut-être parce   céda l’élaboration d’un premier guide suisse des hôtels publié à   le discours inaugural qui revenait au président de la Confédéra- « alliés » turcs. Au bord du lac, l’Anglais Curzon gardait à portée de
 qu’ils conservaient le souvenir de la perte de la Tripolitaine en 1912,  l’occasion de la fête nationale de 1896. Après la Première Guerre   tion en tant que représentant du pays invitant. La salle du Sénat   vue le Château des négociations. Cette topographie bipolaire, qui
 sanctionnée déjà par une Paix de Lausanne. C’était pourtant ce   mondiale, Lausanne poursuivait son développement vers les acti-  du Palais de Rumine accueillit, près de huit mois plus tard, la   est celle de l’hôtellerie luxueuse de la ville, était complétée par un
 précédent que faisait valoir Lord Curzon, patron de la diplomatie   vités de congrès, en construisant le Palais de Beaulieu, bâtiment à   cérémonie de signature des accords et le discours de clôture. La  « archipel d’îlots », un réseau de « petits palaces » pour reprendre les ex-
 britannique, qui avançait encore d’autres avantages : Lausanne se   même d’accueillir de grandes manifestations. La ville avait déjà ac-  répartition, très diplomatique des délégations, fit l’objet de trac-  pressions du chroniqueur sagace de L’Illustration. Ce savant partage,
 situe sur la ligne ferroviaire de l’Orient Express, la ville dispose   cueilli d’importantes rencontres, le Congrès olympique de psycho-  tations avec l’Association des hôteliers de Lausanne-Ouchy et les   habilement perçu par le caricaturiste de la conférence, a dû faire
 d’excellents hôtels et jouit d’un climat tempéré même en hiver, la   logie et physiologie sportive en 1913, le Congrès des règlements   autorités vaudoises, le Canton et la Ville. Impossible de loger les   l’objet de délicates négociations préalables (fig. 4).
 Ligue des nations pourrait être sollicitée pour l’organisation de la   olympiques en 1921 et, en 1933, un premier grand congrès des   délégations des pays en conflit direct dans le même établissement.     Officiellement le nombre de délégués s’élevait à 184, aux-
 conférence en fournissant les secrétaires expérimentés, les traduc-  rotariens qui réunit plus de 1000 participants. Ces données, même   Le Beau-Rivage Palace accueillit l’importante délégation britan-  quels s’ajoutèrent encore les nombreux correspondants de presse,
 teurs, la position centrale de Lausanne favoriserait la mobilité des   succinctes, attestent que Lausanne, à quelques dizaines de kilomè-  nique et la mission américaine. Les délégations française et turque   diverses personnes auditionnées pendant la conférence, ainsi que
 délégués . Ces arguments correspondaient à ceux de La Gazette   tres de Genève, n’était pas dépourvue de ressources pour accueillir   s’installaient au Lausanne Palace, alors que les Grecs étaient logés   les personnels mobilisés pour assurer les services, les communi-
 5
 de Lausanne qui, dans son édition du 24 octobre, mentionne la   une conférence diplomatique d’envergure .   à l’Hôtel Savoy. Les délégations d’une dizaine de nations invitées   cations, la sécurité de la conférence qui ne logeaient pas dans les
 8
 situation géographique, l’hospitalité et des ressources variées qui      Dans l’immédiat après-guerre, le tableau de l’hôtellerie lau-  à participer à des titres très divers aux discussions furent ainsi   hôtels de luxe (fig. 5 et tab. 1 )
                                                                                                 12
 plaidaient en faveur de Lausanne. Il n’est pas improbable qu’un   sannoise indique une quarantaine d’hôtels répartis en trois grandes   réparties dans différents hôtels de la ville.
 séjour du roi George au Beau-Rivage pendant l’hiver 1882, ou   catégories : 9 pour la catégorie A qui comprend en premier lieu le      Comme le releva ironiquement une chronique de L’Illustra-  Pays   Nbre de personnes
 même de Lord Curzon, qui a séjourné plusieurs fois en Suisse, ait   Beau-Rivage Palace avec une capacité de 320 lits, suivi du Lausanne    tion : « La Conférence de Lausanne se compose essentiellement, en effet, de   Mission américaine  8
 joué un rôle. Mais l’essentiel n’est pas là, car Lord Curzon avait   Palace-Beausite (200 lits), 10 pour la catégorie B et 18 pour une   deux vastes hôtels reliés par un funiculaire. En bas, au bord du lac, reposent   Empire britannique  25
 également des arguments plus politiques parmi lesquels le choix   troisième catégorie C, représentant au total une capacité de quelque   les Anglais, les Américains, les Italiens et les Roumains ; en haut, demeu-  France  26
 d’un pays neutre qui laissait aux grandes puissances la possibilité   2730 lits, dont la moitié en première catégorie. Ce tableau confirme   rent les Français, les Turcs et les Japonais. Autour de ces pôles, on rencontre   Grèce  15
 de se répartir les présidences des séances et des commissions. Il   aussi la nouvelle configuration hôtelière lausannoise telle qu’elle s’est   une infinité d’îlots plus ou moins considérables où sont fixés, dans un   Italie  18
 souhaitait aussi une forme de négociation privilégiant les tables   constituée à partir du milieu du xix  siècle avec la construction du   aimable mélange, les autres invités : Russes, Bulgares, Serbes, Grecs, sans   Japon  14
 e
 rondes aux grands discours publics, mais celles-là nécessitaient des   Beau-Rivage et achevée par l’inauguration en 1915 du Lausanne   compter ceux qui, n’étant pas régulièrement conviés, sont venus cependant   Roumanie  7
 infrastructures adaptées, réunissant à la fois le confort et le bénéfice   Palace, orientée vers une offre hôtelière de haut niveau (fig. 3).   jouer leur partie : Egyptiens, Syriens, Palestiniens, Arméniens, Géorgiens,   Royaume Serbe-Croate-Slovène  6
 d’une « atmosphère paisible et discrète  ».  Indiens, Arabes, etc.  »     Turquie                   39
 6
                                10
    La ville disposait alors d’un équipement hôtelier important et   GÉOPOLITIQUE ET TOPOGRAPHIE HÔTELIÈRE     S’esquissait donc une topographie hôtelière, propice aux dis-  Bulgarie  12
 restructuré . Le mode d’hébergement du xviii  siècle avait fait place      En 1922-1923, Lausanne disposait de lieux appropriés pour   cussions parallèles, mais qui ne correspondait pas exactement à la   Russie, Ukraine, Géorgie  14
 7
 e
 à une hôtellerie plus moderne correspondant aux activités nouvel-  les grandes séances protocolaires ainsi que pour les séances des   géopolitique diplomatique, sinon dans la séparation des délégations   Diverses nationalités dans les commissions spécialisées :
                                                                           Belgique, Danemark, Espagne, Norvège, Pays-Bas, Portugal,
 les de villégiature des voyageurs du xix  siècle. De nombreux hôtels   commissions. Deux possibilités se présentaient: l’Hôtel de la Paix,   grecques et turques, ainsi que dans le jeu, alors très perturbé, des   Suède, Albanie.
 e
 Prix de pension de la Société des Hôteliers de Lausanne-Ouchy, vers 1922.  Tab. 1
                                                                          Délégation des participants à la Conférence de Lausanne.


 120                                                                                                                         121
   116   117   118   119   120   121   122   123   124   125   126