Page 126 - Livre Beau-Rivage Palace
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ils avaient en outre organisé un bureau de renseignements pour a été refoulé. Les menaces visaient particulièrement les membres fasciné par le « kémalisme », il procédait ensuite à une autocritique s’est « effectivement passé » en 1922-1923 et à ses conséquences, mais
l’hébergement et les voyages dans le hall central de la gare. Ces des délégations des pays belligérants, la Grèce et la Turquie, mais pour louer « cette farouche résolution où étaient les hommes groupés aussi à l’importance que la postérité a conférée à l’événement, lui
interventions publiques, dans le cadre de la conférence, devaient la police exerçait également une surveillance très étroite de la dé- autour de Moustapha Kemal de lutter jusqu’à leur mort pour l’honneur et donnant ainsi sa dimension proprement historique. Pour les alliés
contribuer à améliorer l’image de marque des hôtels. Le conseil légation soviétique et des militants politiques suisses qui tentaient la liberté de tout un peuple» . d’ailleurs, la conférence était un échec qu’il convenait de gommer et
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d’administration du Beau-Rivage, bien rémunéré, s’en félicita en d’entrer en contact avec elle. d’oublier. Pour les Turcs, à l’inverse, Lausanne effaçait l’humiliation
exprimant ses louanges à son directeur pour sa « grande habileté » à Pourtant les services de sécurité ne réussirent pas à déjouer EVÉNEMENT, MÉMOIRE ET GRAND HÔTEL de Sèvres et constituait un moment fondateur qui n’a cessé d’être
porter « au loin la réputation de Beaurivage, qui en recueillera certaine- l’agression dont furent victimes des membres de la délégation so- La signature du traité le 24 juillet 1923 au Palais de Rumine commémoré comme tel. Un monument érigé à Ankara en rappelle
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ment le bénéfice dans l’avenir » . viétique alors qu’ils terminaient leur repas au restaurant de l’Hôtel donna lieu à une grande manifestation dans le centre ville, décoré le souvenir et, parmi les autres mémoriaux, le ministère turc de la
« La Conférence de Lausanne, qui s’est ouverte dans un amalgame Cecil au soir du 10 mai 1923. L’attentat, qui fit deux victimes et pour la circonstance. Le toit du Lausanne-Palace s’ornait de milliers Culture commémora le 70 anniversaire de la conférence en pu-
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si démocratique que, tout près de moi, on confondait un honorable député plusieurs blessés, survint dans la seconde partie de la Conférence d’ampoules qui projetaient le mot pAx dans la nuit, les cloches des bliant un ouvrage abondamment illustré présenté par le directeur
campagnard au Grand Conseil vaudois avec je ne sais quel délégué étranger de Lausanne à laquelle les Soviétiques, qui n’y étaient pas officiel- églises annonçaient le début d’une grande fête populaire. général des Beaux-Arts qui n’hésite pas à écrire : « Lausanne est une
se poursuit sans accroc. » Ce commentaire apaisant du correspondant lement conviés, ne pouvaient légitimement pas revendiquer l’im- La signature du traité fut cependant accueillie diversement par pierre blanche non seulement dans l’histoire de la Turquie mais dans l’histoire
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du Journal de Genève ne doit pas occulter les problèmes de sécurité munité assurée aux délégués officiels. « L’affaire Conradi » – du nom l’opinion. La Gazette de Lausanne ne résista pas à titrer : « La Paix de de l’humanité et de la diplomatie . » L’événement tire sa signification
posés par une manifestation qui réunit à Lausanne plus de 250 dé- de son auteur qui dit vouloir par cet acte « débarrasser le monde Lausanne. Fin de la guerre européenne ». Emphatique, Le Figaro souli- non seulement de ce qu’il fonde mais aussi de ce qu’il occulte et
légués, mobilisa un nombre élevé de journalistes et attira de nom- des bolcheviques » –, créa un sérieux incident diplomatique entre la gnait : « Le traité de Lausanne marque une date pour l’histoire du monde. dénie. En l’occurrence, le traité de paix de Lausanne effaçait dé-
breuses personnes. La sécurité fut prise en charge par les autorités Suisse et l’Union soviétique, mais elle n’eut aucune conséquence Pour la première fois la Turquie est traitée comme une puissance occidentale. finitivement les promesses d’une Arménie indépendante en Tur-
cantonales et communales qui mirent sur pied un détachement sérieuse sur la poursuite des travaux de la conférence. Elle té- Etrange retour des choses ! La guerre devait avoir pour effet de repousser dé- quie. Victimes d’un génocide en 1915, les Arméniens étaient privés
spécial de 63 hommes : gendarmes, agents de police municipaux moigne en revanche de l’ambiance qui régnait alors en ville de finitivement les Turcs hors d’Europe. Et voici qu’elle a au contraire pour de leur statut de minorité à l’intérieur d’une Turquie entièrement
et inspecteurs de la Sûreté, mobilisés pour assurer la sécurité de Lausanne où l’arrivée de la délégation soviétique attendue pour résultat de les européaniser .» Pessimiste, le Daily Telegraph du 28 juillet transformée démographiquement. Le 6 janvier 1923, la demande de
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l’ensemble de la conférence. Lors des manifestations publiques, un les négociations sur les détroits avait été entourée de mesures spé- évoquait « l’échec de la civilisation » et un tribut à la « fourberie » des na- création d’un « foyer national » fut rejetée et anéanties les résolutions
dispositif renforcé était mis en place, mais dans l’ensemble, en par- ciales, dont l’interdiction de tout contact avec la presse. Celle-ci tionalistes turcs. prises lors des conférences précédentes, Versailles, Sèvres, Londres en
ticulier dans les hôtels, cet encadrement sécuritaire demeura discret, succomba pourtant à la dramatisation. Le Journal de Genève du 30 La Conférence de Lausanne a marqué un tournant dans les 1921 et Paris encore en 1922. Fondatrice pour les uns, la Conférence
malgré les menaces d’attentats nombreuses, sérieuses ou imaginai- novembre titrait : « L’arrivée des bolchevistes ». nombreuses « révisions » du traité de Versailles puisque, pour la pre- de Lausanne a été un événement négateur pour d’autres : Arméniens,
res, reçues par la police (fig. 9). À droite et à gauche, les réactions à l’attentat furent passion- mière fois, une nation qui se trouvait parmi les vaincus de 1918, Kurdes et diverses minorités qui, plus de quatre-vingts ans après, en
Pour la Municipalité, ce fut une autre affaire. L’organisation nées mais évidemment inverses. La gauche, mobilisée par la grève parvenait à s’imposer sur la scène internationale. Le 13 octobre, contestent encore les fondements.
de la conférence rima avec coût des prestations supplémentaires, es- des typographes, manifesta dans les grandes villes et condamna l’at- Ankara devenait la capitale d’une république proclamée officielle- Le 5 juillet 2005, au Palais de Rumine, dans la salle même
sentiellement celles liées à la sécurité. La Ville annonça ses dépenses titude du Conseil fédéral ; la droite le condamna plus mollement, ment le 29. La Turquie moderne prenait pied dans le concert des où avait été signé le traité de 1923, le Grand Conseil du canton de
qui s’élevaient à 65 402.55 francs, auxquels s’ajoutaient les frais de insistant sur les « circonstances atténuantes » et en profita pour ampli- nations, elle avait obtenu la reconnaissance de ses nouvelles fron- Vaud reconnaissait formellement le génocide arménien. Quelques
traitement extraordinaire des personnels municipaux (38 711.60 fier sa campagne contre les communistes suisses. Commencé le 5 tières, son statut d’indépendance, confirmés ensuite par de nom- jours plus tard, le 26 juillet, une manifestation turque commémo-
francs) . De son côté, le Conseil d’État du canton de Vaud commu- novembre, le procès se termina le 16 sur un verdict d’acquittement breux autres traités jusqu’en 1939. Le 23 juillet, Polonais et Turcs rait la signature du traité de Lausanne sur la place du Port et au
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niqua des frais s’élevant à 24 869.15 francs, majorés de 102 835.25 malgré la reconnaissance des faits. signaient un accord complémentaire au Lausanne-Palace ; le 6 août, Beau-Rivage, alors qu’une contre-manifestation kurde se déroulait
francs en salaires. Les réactions hostiles vis-à-vis des soviétiques coïncidaient dans les salons du Beau-Rivage, c’est au tour des Américains de sur la place de la Riponne, devant le Palais de Rumine.
Les journaux de garde ne mentionnent aucun incident sé- d’ailleurs avec l’attitude à l’égard de la délégation turque. Maurice signer un accord commercial avec la Turquie . Étrange retour de la mémoire sur l’histoire pour le Beau-
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rieux, la part la plus importante de la surveillance s’étant exercée en Muret, éditorialiste de la Gazette de Lausanne, s’en était fait l’écho L’événement n’a de sens que commémoratif, écrivait Rivage Palace dont les publications anniversaires et les prospectus
amont, par un contrôle renforcé des frontières et un filtrage affiné au moment de son arrivée à Lausanne, soulignant « une hostilité sys- Pierre Nora. C’est dire que la signification de la Conférence de publicitaires, tout en s’appropriant l’événement, en proposent une
des personnes de nationalité étrangère dont un certain nombre tématique à l’égard de tout ce qui est ottoman ». D’abord ignorant puis Lausanne ne se comprend pas seulement à la lumière de ce qui lecture affaiblie et totalement dépolitisée.
Service de sécurité mis en place au Palais de Rumine
durant la Conférence de Lausanne.
Photographie, 1923.
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