Page 272 - Livre Beau-Rivage Palace
P. 272
Fig. 6 Fig. 7
d’importants travaux, lancée dès après l’entrée en fonction du nou- ont suffi à en rompre complètement l’unité, à la banaliser à l’extrême et Dois-je en conclure que ce domaine vous est plus familier que celui des droits 10. Antoine BAUDIN, « Désarrois et certitudes de la jeune peinture romande », op. cit., p. 22.
veau directeur, M. Schärer : « La décision fut rapidement prise, et le 15 à lui enlever tout à fait un certain cachet d’élégance et de distinction bien de propriété artistique ou de la simple courtoisie ? Malheureusement, je ne Des revues comme La Voile Latine, Vie-Art-Cité, ont largement diffusé cette « lémanité ».
11. Durant sa longue carrière, J. Cornaz a construit et transformé divers bâtiments pour
octobre tous les appartements étaient évacués, nos hôtes d’hiver transférés approprié à un hôtel de luxe. Je mets de côté, pour le moment, la question de pourrai pas vous envoyer la note d’honoraires que vous me demandez […]. les fils d’Édouard-Constant Sandoz. Au Denantou, outre la transformation de la maison au
début des années 1930, il construit l’atelier du sculpteur Édouard-Marcel en 1941. En
dans le bâtiment ouest, et quelques jours après l’ancien hôtel était livré aux droit et de propriété artistique, me réservant d’y revenir […]. Dans des cas Il faudra donc vous résigner à être mes débiteurs . » Cette lettre soulève 1930, Maurice Sandoz fait réaliser par J. Cornaz, très vraisemblablement assisté de son
33
frère Fred-Roger, les transformations intérieures de la première Vigna Pepoli, sa villa
mains de 33 entrepreneurs, qui avaient pour mission de nous le restituer semblables, l’usage, ou à son défaut la simple politesse, exigeait qu’avant de l’ire du conseil ; nous voyons dans le procès-verbal du 27 juillet : située au-dessus des termes de Caracalla à Rome. En 1933, l’architecte projette pour lui
une villa classico-moderne. En 1955, il dépose le pavillon de bains de Bellerive qui,
pour Pâques […]. Outre la réfection des façades […], nous avons créé 11 rien entreprendre, le maître de l’œuvre avertisse l’architecte de ses intentions « Faut-il classer sans autre l’insolente réponse de M. Cornaz architecte ou remonté à Chardonne, devient le mausolée de l’auteur de La Salière de Cristal et de La Maison
sans fenêtres.
34
chambres nouvelles […], installé 26 chambres de bain. L’ascenseur à bout et lui demande, au moins, son avis. Le parti pris d’ignorer complètement lui renvoyer sa lettre sans y répondre? Nous classons avec mépris . » Les 12. Un dossier d’études au 100 e comprenant plusieurs variantes de plans et de façades est
de service a été remplacé […]. Nous avons refait le Bar, incorporé mainte- l’architecte dont on veut néanmoins conserver l’œuvre est d’autant plus échanges de billets internes, les à-côtés de la discussion laissent à déposé aux ACM, cote 24.04.082.
13. Il utilise cette association de briques de terre cuite et de marbre noir, une première
28
nant avec la galerie . » incompréhensible, je pourrais même dire d’autant plus choquant, que le penser que la personne de l’architecte et sa production ne sont plus fois, dans un pavillon de bain pour A. Brandenburg (1924), au Petit-Ouchy pour Béatrice
et Walter Mermod-Stoffel (1927), à la villa pour Gilbert Brustlein (1929), au Denantou
Transposé à la recherche historique, l’adage selon lequel « seuls maître et l’architecte ont toujours eu d’excellents rapports, que le maître tenues en haute estime, c’est un membre du conseil qui fait remar- pour Édouard-Marcel Sandoz, pour ne citer que quelques-unes de ses réalisations.
14. ABR, cote 001, Copies de lettres, Lettre de [Roger de Crousaz] à J. Cornaz architecte,
les trains qui arrivent en retard retiennent l’attention » arbore, derrière a souvent manifesté sa satisfaction à l’architecte et la lui a prouvée en lui quer : « Le mouvement d’orgueil et de vanité de l’architecte J. Cornaz est 29 mai 1939.
15. ABR, SIO. Hôtel Beau-Rivage S.A. Procès-verbaux des séances du conseil du 2 juin 1924
une certaine trivialité, une pertinence déroutante. Parce qu’ils lais- confiant, par la suite, de nouveaux mandats, dont l’un, en tout cas, fort un comble et je dois dire, me fait de la peine. Il y a à Lausanne quelques au 12 décembre 1949, 11 juin 1939, p. 217.
sent souvent des traces écrites, parce qu’ils font émerger des di- difficile (le jardin d’hiver) et en continuant à lui demander pendant une jolies choses de lui, comme la villa ci-devant Mermod à côté de Beau- 16. ABR, Rapport du conseil d’administration à la 83 e assemblée générale des actionnaires le
lundi 11 mars 1940, p. 2.
29
mensions qui, sans eux, n’auraient jamais affleuré, la chicane, l’écart, douzaine d’années, projets et conseils . » Le ton monte, au point que le Rivage. Mais l’ancien bar du Beau-Rivage n’a jamais eu la réputation 17. Idem, 11 septembre 1939, p. 221.
18. ABR, SIO. Hôtel Beau-Rivage S.A. Procès-verbaux des séances du conseil du 2 juin 1924
l’accroc font le miel des chercheurs. Ainsi le conflit qui surgit entre conseil d’administration envisage de demander l’expertise – ou l’ar- d’une œuvre d’art, malgré deux mandolines entrelacées dans une niche et au 12 décembre 1949, 19 décembre 1944, p. 295. Voir aussi : 12 décembre 1945, p. 312 ;
4 janvier 1946, p. 313 ; 16 avril 1946, p. 318.
J. Cornaz et le conseil d’administration peu après les transformations bitrage – de Jean Tschumi , introduit au Beau-Rivage par son ami un mobilier pouf très quelconque . » Tout est dit ! 19. Idem, 17 mai 1946, p. 321.
35
30
du bar met-il au jour la complexité, le caractère parfois insaisissa- E.-M. Sandoz, ou l’intervention d’un homme de loi : « M. Cornaz Une page s’est tournée. Le bar de J. Cornaz appartenait à 20. Un relevé de l’état existant et une proposition néo-classique de septembre 1949 se
trouvent dans le fonds de l’architecte déposé aux ACM cote 24.04.146.
21. ABR, SIO. Hôtel Beau-Rivage S.A. Procès-verbaux des séances du conseil 1950 à 1959,
ble des relations entre un architecte et son client. En un peu plus architecte nous adresse une longue lettre au sujet du bar dont il est l’auteur. l’entre-deux guerres, voire, par certains traits, au xix siècle. Dès le 14 mars 1950, p. 13.
e
d’un mois, le ton monte, les masques tombent, la collaboration de Nous avons transformé dit-il son œuvre, lui faisant perdre son caractère, bien début des années cinquante, période de relance économique, il fal- 22. Idem, 10 septembre 1951, p. 61.
23. Idem, 17 décembre 1953, p. 158.
l’architecte et de l’hôtel s’achève. Face à ce qu’il considère comme que nous ayons conservé l’essentiel des motifs décoratifs. Il nous menace et lait un lieu plus moderne, plus américain, plus new look en somme, 24. Idem, 20 février 1950, p. 10.
25. Idem, 31 janvier 1952, p. 77.
une « mutilation de son œuvre », J. Cornaz ne tarde pas à se manifester. toute sa lettre est écrite sur un ton inadmissible. Où iraient les propriétaires et l’expression vient à propos puisqu’en effet le couturier Christian 26. Idem, 21 décembre 1954, p. 209.
27. Idem, 11 mars 1955, p. 215.
Il vaut la peine de citer de larges extraits du vigoureux échange de s’ils ne pouvaient plus modifier le travail d’un architecte sans son consente- Dior lance ce mouvement en 1947 avec son tailleur Bar, une grande 28. Rapport du conseil d’administration à l’assemblée ordinaire des actionnaires le lundi
25 avril 1955, p. 2.
correspondance entre l’architecte et le maître de l’ouvrage, qui, au- ment préalable ? On propose de renvoyer simplement cette lettre, de consul- jupe noire sous une veste à basque… 29. ABR, cote 001, Copies de lettres, Lettre de J. Cornaz au président du conseil
d’administration du Beau-Rivage Palace, 21 juin 1955.
delà des susceptibilités froissées, repose plus largement une ques- ter M. Tschumi professeur d’architecture à l’e.p.u.l. ou M. Ed. Sandoz, 30. « M. Tschumi a visité nos hôtels après son retour d’Amérique. Il avait visité plusieurs
tion, simple en apparence : « Qui commande » ? Le 21 juin 1955 donc, ou encore de demander une consultation à M. Turin avocat et professeur de grands hôtels aux États-Unis. Il a pour tâche de repenser le problème de Beau-Rivage
1. ABR, SIO. Hôtel Beau-Rivage S.A. Procès-verbaux des séances du conseil du 2 juin 1924 construit il y a 92 ans et Palace construit il y aura bientôt un demi-siècle. Il accepte
31
J. Cornaz écrit : « Comme les bars subissent, plus que tout autre genre droit intellectuel à l’Université . » Finalement, le conseil d’administra- au 12 décembre 1949, 13 juin 1938, p. 202 . une collaboration avec M. Pierre Bonnard. Il reverra en particulier le problème sécurité
2. Idem, 10 octobre 1938, p. 205. au rez-de-chaussée du Palace. Avant d’entreprendre une grande étude il nous fera un
d’architecture intérieure, les impératifs de la mode, comme de plus, les essais tion opte pour une réponse aussi brève que cassante : « [Il] me charge 3. ABR, cote 001, Copies de lettres, Lettre de [Roger de Crousaz] à J. Cornaz architecte, rapport. » (ABR, SIO. Hôtel Beau-Rivage S.A. Procès-verbaux des séances du conseil 1950
à 1959, 21 novembre 1952, p. 110).
12 octobre 1938.
malencontreux de le retaper ‹ à l’économie › n’avaient réussi qu’à en ac- de vous communiquer que les travaux de transformation et modernisation 4. ABR, SIO. Hôtel Beau-Rivage S.A. Procès-verbaux des séances du conseil du 2 juin 1924 31. Idem, 29 juin 1955, p. 228.
centuer l’usure et le vieillissement inévitables, une transformation complète exécutés à l’Hôtel Beau-Rivage dans le courant de l’hiver 1954-1955 au 12 décembre 1949, 20 décembre 1938, p. 211. 32. ABR, cote 001, Copies de lettres, Lettre de [Roger de Crousaz] à J. Cornaz, 29 juin 1955.
33. ABR, cote 001, Copies de lettres, Lettre de J. Cornaz au président du conseil
5. ACM, cote 24.04.146. Le croquis porte la date du 6 janvier 1938, mais il s’agit sans d’administration du Beau-Rivage Palace, 18 juillet 1955.
de ses locaux était, non seulement désirable, mais nécessaire. Aussi, quel ne pouvaient être librement décidés par lui et il estime que ces travaux, tels doute d’une erreur. 34. ABR, SIO. Hôtel Beau-Rivage S.A. Procès-verbaux des séances du conseil 1950 à 1959,
6. Information orale. Aucune indication ne permet de connaître les détails techniques ou
fut pas mon étonnement en constatant que tous les éléments principaux de qu’ils ont été réalisés, ne sauraient porter atteinte à vos droits, ni engager constructifs de cette réalisation dont il ne reste qu’une niche. 27 juillet 1955, p. 231.
7. ACM, cote 24.04.146, Hôtel Beau-Rivage. Boiserie du bar, échelle 1 : 20, J. Cornaz 21.1.39. 35. ABR, cote 001, Copies de lettres, Lettre de H. Bergier au président du conseil
mon œuvre avaient été conservés et qu’à part une modification, sans doute d’aucune manière la responsabilité de la société envers vous . » 8. « La fraidieu et la môlaine sont deux exclusivités genevoises. Fraidieu signifie fraîcheur ; d’administration du Beau-Rivage Palace, 3 août 1955.
32
c’est une brise de beau temps, très légère, qui remonte le Petit-Lac. Elle se lève
heureuse, de l’accès, on s’était borné à quelques adjonctions du mobilier Le conflit se déplace sur des considérations pécuniaires. En le matin vers 7 heures et demie. Elle vient à la rencontre du séchard qui, plus
dessiné spécialement, par des meubles du genre de ceux qui ornent hôtels et juillet J. Cornaz écrit : « Un seul point sans importance, que je men- vigoureux qu’elle, l’étouffe au passage. » (BADOUX et ONDE, EIPVD 2, 1971, p. 95).
Dans Marins d’eau douce, Guy de Pourtalès écrit en revanche : « Voici que se lève
pensions de la Suisse allemande […]. Malheureusement, ces quelques élé- tionnais uniquement pour préciser le ‹ climat › de nos rapports anciens, a la fine brise nocturne qui a nom : ‹ frais-dieu ›. » (1941, p. 106).
9. Antoine BAUDIN, « Désarrois et certitudes de la jeune peinture romande »,
ments nouveaux d’un goût et d’un esprit si différents de l’œuvre primitive été jugé digne de retenir votre attention. Il s’agit d’une question d’argent. dans : COLLECTIF, 19-39 : la Suisse romande entre les deux guerres, p. 16-22,
Lausanne : Payot, 1986, p. 21.
J. Cornaz. Le bar du Plaza, croquis à la mine de plomb, vers 1938-1939. J. Cornaz, Bar Hôtel Beau-Rivage.
Ech. 1 : 20, encre de Chine sur calque, 29.2.1939.
272 273