Page 91 - Livre Beau-Rivage Palace
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 sanitaires du Beau-Rivage est clairement constatée : « M. le Président   sur de longues distances, dès la fin des années 1880, les réseaux   lumière moins éblouissante utilisable dans les espaces intérieurs .  autres propositions. Comme dans le domaine de l’eau, le service
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 rappelle la convenance pour ne pas dire la nécessité d’améliorer les bains   d’eau sous pression fournissaient de nombreuses villes suisses en   En dépit de sa cherté, l’électricité rencontre de l’intérêt dans le do-  public permet donc de réduire notablement les coûts d’exploita-
 actuels qui sont en sous-sol, sombres et désagréables et dont l’abord est tout   force motrice bon marché . À Lausanne, ce service est vendu, dès   maine de l’hôtellerie, où ses qualités hygiéniques et pratiques sont   tion. En 1911, l’installation ne suffit déjà plus à faire face à l’accrois-
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 à fait obscur. Il y aurait possibilité et même facilité à installer un cabinet   1876, par la société privée du Lausanne-Ouchy et des Eaux de Bret.   appréciées. Mais les directions sont surtout motivées par sa capacité   sement de la consommation. La mécanisation du Beau-Rivage, qui
 de bain à chaque étage en utilisant pour cela les chambres de sommeliers   Le Beau-Rivage y a recours dès 1888, dans le but d’améliorer la   à fasciner la clientèle, ce qui fait d’elle un argument publicitaire de   augmente l’usage diurne d’électricité, n’y est pas étrangère. Entre
 d’étage […]. En même temps, on devrait s’occuper d’une buanderie plus   mobilité à l’intérieur de l’hôtel. Après avoir refusé à plusieurs re-  premier ordre. Il n’est dès lors pas étonnant que l’arc lémanique fi-  1903 et 1914, ce sont successivement des horloges électriques, une
 complète […] l’eau chaude de la buanderie pourrait probablement être   prises d’installer un ascenseur, les administrateurs se décident enfin   gure parmi les régions pionnières en Suisse et même en Europe. La   armoire frigorifique, un aspirateur à poussières et une machine à
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 utilisée pour les bains . »  à introduire un tel appareil . Le moteur hydraulique est préféré   demande touristique y stimule en effet le transfert technologique .  nettoyer l’argenterie qui sont installés. Plutôt que de doper la pro-
    Il faut toutefois attendre 1885 pour qu’une première salle   à tout autre en raison de ses coûts d’installation et d’exploitation   À Lausanne, où une petite centrale est installée, dès 1882, les hôtels   duction, il est décidé de diminuer la consommation de l’éclairage.
 de bains soit construite au 2  étage et 1886 pour voir l’installation   avantageux : le prix d’une ascension est estimé à 2 centimes. En   du Grand-Pont et de l’Ours figurent parmi les premiers abonnés .  Deux mille lampes à filament métallique, moins gourmandes en
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 d’une nouvelle buanderie équipée d’une chaudière à vapeur. En   1901, un monte-charge est actionné de la même manière. Peu   Le réseau de la Société suisse d’électricité demeure toutefois confi-  énergie, sont substituées aux lampes à filament de charbon .
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 1901, un nouveau fourneau de cuisine permet d’approvisionner   après l’introduction de l’ascenseur hydraulique, cette nouveauté   né au centre de la ville, où la concentration de clients permet de      Le chauffage des bâtiments constitue un autre pilier du confort
 tout l’hôtel en eau chaude. Dès 1880, le système de latrines montre   technique est utilisée à des fins publicitaires, signalée jusque sur le   rentabiliser les infrastructures. En 1894, le conseil d’administration   intérieur, qui prend toute son importance en période hivernale.
 également ses limites. Pour remédier aux odeurs qui incommodent   papier à lettre du directeur de l’établissement (fig. 9).   propose de pallier à cet inconvénient en construisant une petite   Jusqu’au milieu des années 1890, des calorifères pourvoient à cette
 la clientèle, des cabinets d’aisance sont progressivement équipés de   centrale électrique propre au Beau-Rivage : « Il nous reste encore à   commodité, mais leur efficacité limitée n’arrange pas les difficul-
 systèmes de water-closets. La construction de cabinets de bains et   ÉCLAIRER ET CHAUFFER   faire, Messieurs, pour réaliser tous les progrès voulus pour nous mettre à   tés chroniques endurées pendant la saison froide. En effet, dès la fin
 d’aisance à l’étage se heurte toutefois à des impératifs de rentabilité.   Le xix  siècle se caractérise par une évolution rapide des   la hauteur des hôtels de premier ordre de création récente. Noblesse oblige:   des années 1870, crise économique et concurrence se conjuguent
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 Les administrateurs hésitent à sacrifier le revenu de plusieurs cham-  techniques d’éclairage. Dans un premier temps, la volonté de vain-  Beau-Rivage doit introduire les perfectionnements aujourd’hui nécessaires.  pour plonger le Beau-Rivage dans les chiffres rouges durant les mois
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 bres aux prescriptions hygiéniques.   cre les ténèbres s’exprime surtout dans l’espace public des grandes   Parmi ceux-ci, nous citons la lumière électrique . »  d’hiver : « Ces résultats, Messieurs, sont bien malheureux. Il faut les attribuer
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    Au tournant des xix  et xx  siècles, le modèle de la chambre   villes, où la vie nocturne gagne en intensité . Des considérations      En novembre de la même année, une assemblée générale ex-  non pas à la diminution du nombre des étrangers qui viennent en Suisse,
 américaine, équipée d’une salle de bains et d’un cabinet d’aisan-  de police, de sécurité routière, mais également d’esthétique et de   traordinaire approuve le projet et son financement. Actionnée par   mais au séjour moins long qu’ils font, à la parcimonie qu’ils apportent dans
 ce, commence à être imité dans certains grands hôtels européens.  prestige, poussent à l’amélioration de l’éclairage public, jusqu’alors   les eaux de Bret, une turbine hydraulique de 40 cv doit entraîner   leurs dépenses, puis surtout au grand nombre d’hôtels que l’on a construits et
 Comme nous l’avons déjà constaté, cet aiguillon concurrentiel   assuré par des lampes à huile. En Suisse, les villes de Berne (1843),    une dynamo permettant d’alimenter 800 lampes à incandescence   à l’excessive concurrence qui en résulte. Enfin, la saison d’hiver nous a man-
 contribue à la construction du Palace, qui est équipé des installa-  Genève (1844) et Lausanne (1846) sont les premières à être équipées   et 10 arcs voltaïques. Le 17 mai 1895, l’installation est mise en   qué deux ans de suite. Elle a manqué à Vevey comme à Lausanne. Peut-être
 tions sanitaires les plus modernes. En 1905 et 1910, d’importants   de réseaux gaziers . Le nouveau mode d’éclairage n’est cependant   service. À l’instigation de la municipalité, le kiosque à musique   les nouveaux hôtels de Montreux ont-ils attiré nos anciens pensionnaires ?
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 travaux de rénovation sont aussi effectués dans les anciens bâti-  que peu utilisé à l’intérieur des habitations, où la chandelle, puis la   d’Ouchy est également illuminé avec la fée électricité.  Peut-être aussi la rigueur de ces deux hivers les a-t-il éloignés ? »
 ments : « M. de Crousaz, puis M. Dapples, au nom de la Commission des   lampe à pétrole, dominent le marché. Les hôtels de luxe font tou-     Prise en 1905, la décision de construire le Palace nécessite un      Plusieurs solutions sont dès lors évoquées : la fermeture pure
 Travaux, expliquent par l’insistance des étrangers et de M. Tschumi la hâte   tefois exception, car pour des raisons de commodité et de prestige,   nouveau choix technologique, car les installations en service ne   et simple durant les mois d’hiver, l’exploitation à un standing plus
 avec laquelle ils ont procédé à ces travaux dont l’exécution devenait abso-  il est de bon ton d’introduire l’éclairage au gaz. Installée au Beau-  sont plus en mesure de satisfaire à l’ensemble de la consommation .  modeste, l’exploitation d’un autre hôtel lausannois ou encore
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 lument urgente … » De nombreuses chambres sont sacrifiées pour   Rivage dès 1861, cette illumination de luxe ne subit que quelques   La question est de savoir si le Beau-Rivage veut continuer à pro-  l’achat d’un hôtel sur la Riviera française. Le statu quo finit cepen-
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 installer des water-closets et des salles de bains à l’étage. En 1908,  améliorations durant les décennies suivantes. Il s’agit surtout de   duire son propre courant ou s’approvisionner auprès du réseau mu-  dant par l’emporter.
 une nouvelle buanderie est encore construite dans les sous-sols de   mieux mettre en lumière les environs de l’hôtel, en particulier le   nicipal créé en 1901. Une solution médiane est finalement adoptée.     Dès son arrivée à la tête de l’hôtel, en 1889, le nouveau direc-
 l’ancien bâtiment.  parc et la promenade .  La construction d’une usine à accumulateurs permet d’acquérir   teur Tschumi ne ménage pas ses efforts pour redynamiser la saison
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    Boisson de base de la clientèle, matière première de l’hygiène      Au cours de la Belle Époque, l’adaptation aux progrès de   l’énergie nécessaire à l’hôtel à un tarif de nuit préférentiel de 5 cts/  d’hiver. Un premier programme, en 1890, prévoit la création d’un
 corporelle, l’eau joue aussi un rôle important dans le domaine de la   l’éclairage électrique constitue un défi majeur. Exposé en 1881   kWh auprès des services municipaux. Selon le devis, il en coûtera   kursaal à Lausanne ou à Ouchy, des soirées dansantes, l’installation
 force motrice. Avant que l’énergie électrique puisse être transportée   à Paris, le système Edison de lampe à incandescence produit une   36 000 francs par année, au lieu de 45 000 et 73 000 pour les deux   d’un salon, d’un billard et d’une salle de jeu ainsi que la construction

 L’ascenseur hydraulique du Beau-Rivage et son utilisation publicitaire
 sur le papier à en-tête du directeur Jacques Tschumi, 1892.



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