Page 93 - Livre Beau-Rivage Palace
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d’une véranda, qui est réalisée en 1893 . Dès 1897, une nouvelle   nos francs actuels. Pour faire face à ce défi financier, les promo-
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 campagne est lancée auprès du conseil d’administration. Hormis   teurs mobilisent un capital social d’un million de francs, à raison
 la construction d’un chauffage central, considérée comme indis-  de 4000 actions de 250 francs. L’analyse des actionnaires présents
 pensable, Tschumi propose de développer un centre de bains et de   aux assemblées générales, entre 1878 et 1895, permet de constater
 loisirs à Ouchy : « Le projet d’avenir consisterait donc à créer à Ouchy, sur   que les investisseurs sont essentiellement issus des grandes familles
 la partie Nord du terrain Longchamp un établissement de bains qui devrait   établies à Lausanne. Très présents au sein du conseil d’administra-
 comporter tous les perfectionnements actuels de l’hydrothérapie, bains simples,  tion, les milieux bancaires sont représentés par les Bory, Marcel,
 bains électriques, traitement par massages électriques, etc. boisson d’eau alca-  Bugnion, la Harpe, Carrard, Bessières, de Charrière de Sévery, Dubois,
 line; puis sur la partie méridionale du terrain, la création d’un casino avec   Roguin, Siber, Tissot et Chappuis. Viennent s’y ajouter quelques
 salles de lecture et de billard, bar pour boissons froides en été, thé en hiver,  grandes familles de notables et de propriétaires, tels que les Dapples,
 grande salle pour concerts et représentations théâtrales, enfin tout ce qui peut   Dufour, Perdonnet,  Auberjonois, de Loys, de Cérenville, van
 amuser et intéresser sainement un public sans le mettre en présence des jeux   Muyden, de Crousaz, Recordon, et d’autres familles encore, actives
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 de hasard . »   dans le commerce et l’industrie, comme les Boiceau, Mercier, Perrin et
    En dépit de l’achat d’une source alcaline à Renens, dont les   Sandoz. À la fin des années 1870, les représentants des vingt-cinq
 eaux sont amenées jusqu’à Ouchy, le projet est finalement aban-  familles citées détiennent au moins 1748 actions, soit 44% du capi-
 donné. La principale raison de cet échec, aux importantes consé-  tal social . Ce noyau dur prend également en charge l’essentiel des
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 quences financières, semble être la contamination de la source .  dettes hypothécaire (500 000 francs) et obligataire (525 000 francs)
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    Le chauffage central à vapeur est par contre rapidement ins-  constituées en 1860 et 1861. Au moment de la conversion de cet-
 tallé, dans le courant de 1898 (fig. 10). En 1901, il est étendu au   te dette, en 1881, le conseil d’administration estime que « ce qui
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 4  étage de l’hôtel . Il est toutefois difficile d’estimer dans quelle   pourrait encore faciliter cette transformation c’est le fait que bon nombre
 mesure ces investissements ont contribué à l’amélioration des ré-  d’actionnaires sont aussi porteurs de délégations, ce qu’ils perdraient en
 sultats de la saison d’hiver, qui s’amorce au tournant des xix  et   intérêt, ils le regagneraient en dividende . » En 1887, les principaux
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 xx  siècles. D’autres facteurs, comme la conjoncture économique   partenaires financiers de la  sio sont des banques privées, tou-
 favorable, le développement des sports d’hiver ou encore l’afflux   tes  domiciliées  à Lausanne : Hoirs  Sigismond  Marcel, Charles
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 de clients traités par le D  Combe, contribuent probablement à   Bugnion, C. Carrard, Bory et Hollard, Edmond Tissot, Ernst et
 cette embellie. Lors de la construction du Palace, la nécessité d’un   Chappuis, Charles Bessières, Charrière et Roguin.
 chauffage central n’est pas contestée. Seul le choix du type, qui met      En dépit des mauvais résultats financiers enregistrés entre 1875
 en concurrence la vapeur et l’eau chaude, est débattu. Le modèle à   et 1889 (tab. 2), les administrateurs du Beau-Rivage n’ont pas trop
 vapeur, qui a fait ses preuves, est finalement privilégié .  de difficultés à faire face aux coûts engendrés par la modernisa-
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 tion technique de l’hôtel. Durant la période 1877 à 1884, marquée
 FINANCER LA MODERNISATION TECHNIQUE    par un certain conservatisme technologique, les transformations
    Fondée  en 1857,  la  sio  réalise  d’importants  travaux  d’amé-  ne représentent qu’un coût annuel moyen de 2350 francs . Entre
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 nagement du port, tout en construisant le Beau-Rivage, qui ouvre   1885 et 1888, une première vague de transformations (débarcadère,
 ses portes en 1861. Les coûts s’élèvent à environ deux millions de   réservoir d’eau extérieur, ascenseur hydraulique) provoque une
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 francs, ce qui représente 0,2% du  pib suisse de 1861 . Rapporté   augmentation de l’investissement à 4770 francs, sans pour autant
 au pib de 2005, cela équivaut à la jolie somme de 702 millions de   poser de problèmes financiers. Les choses changent dès le milieu des

 Fig. 10
 Publicité de la maison Sulzer de Winterthour
 qui installe le chauffage central au Beau-Rivage en 1898.


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