Page 97 - Livre Beau-Rivage Palace
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années 1890, avec l’installation de l’éclairage électrique (108 474   valeur de 250 francs, sont vendues au cours de 500 francs, ce qui   Perdonnet, dont les services de renseignement sont loués à l’occa-  les frais d’installation. Expert en matière d’ascenseurs, de Crousaz
 francs), bientôt suivi du chauffage central à vapeur (26 000 francs),  permet de financer une partie de la construction du Palace. À cette   sion de son décès, les administrateurs fréquentent les grands hô-  réalise toutes les études nécessaires à l’équipement du Beau-Rivage.
 ainsi que de l’installation d’un fourneau de cuisine, d’un monte-  occasion, la demande ne peut être complètement satisfaite, puis-  tels de l’époque et s’y informent : « Ayant beaucoup voyagé, il avait   D’autres mandats, exécutés simultanément dans deux hôtels de la
 charge, de pendules électriques et de stores. Entre 1894 et 1904,  que 2600 actions ont été souscrites. En dépit de l’utilisation d’une   beaucoup observé ce qui se faisait dans les grands hôtels de l’Europe et   région, lui permettent d’obtenir un rabais substantiel sur la com-
 la dépense annuelle moyenne s’élève à 19 284 francs. Enfin, entre   partie des bénéfices pour faire face aux investissements, de l’amor-  des autres continents. Il possédait ainsi une abondante récolte de données   mande groupée des trois ascenseurs. Les coûts d’installation de la
 1905 et 1913, la combinaison des installations techniques du Palace   tissement rapide des emprunts et de l’augmentation du capital so-  utiles, dont il faisait part à chaque occasion . » Les dirigeants de la   véranda sont également compressés : « Nous le devons aussi au fait que
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 et les rénovations apportées à l’ancien hôtel font exploser les dé-  cial, les administrateurs ne peuvent empêcher une explosion de la   sio recourent aussi à l’expertise extérieure. Président de l’École   l’un de nos administrateurs, M. Dapples, a bien voulu prendre en mains la
 penses d’équipement technique à 74 816 francs par année. À elle   dette hypothécaire. Entre 1881 et 1908, celle-ci passe de 600 000 à    spéciale de Lausanne (future  epul puis  epfl) dès 1865, Édouard   question du chauffage et qu’il a pu l’installer avec économie ayant acquis
 seule, la nouvelle usine électrique à accumulateurs coûte 170 000   2 250 000 francs. Le financement du Palace en est la cause principale.   Dapples peut faire profiter le Beau-Rivage de ses réseaux sociaux   la certitude que la chaudière de la buanderie pouvait suffire à la production
 francs, à quoi il faut ajouter une somme presque équivalente pour   Fidèles au poste, les banquiers privés lausannois fournissent l’intégra-  dans le domaine de l’ingénierie. C’est notamment un de ses amis,  de la vapeur nécessaire et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire
 les appareillages. Comment cette croissance a-t-elle été maîtrisée ?  lité de l’effort financier. Il s’agit des maisons Morel-Marcel, Günther   William Fraisse, qui installe le système d’adduction d’eau. Des ex-  d’installer un générateur à vapeur nouveau. M. Dapples a fait les études
    Comme le graphique consacré à l’évolution financière du   et Cie ; Charles Bugnion ; Bory, Marion et Cie ; Tissot et Monneron ;   perts sont également consultés à Genève et Zurich, et même en   et la surveillance des travaux; nous pouvons le féliciter d’avoir parfaitement
 Beau-Rivage permet de le constater, l’explosion des dépenses de   Charrière et Roguin ; Georges Landis ; Chavannes et Cie.  France. Comme le souligne l’épisode des régulateurs de pression   réussi et nous le remercions d’avoir voulu mettre à disposition son temps et
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 modernisation technologique, à partir du milieu des années 1890,     Correspondant à une phase conjoncturelle très favorable aux   pour l’éclairage au gaz, cette période se caractérise toutefois par un   ses capacités . »
 correspond à une phase de rapide augmentation des recettes (tab. 2).  établissements touristiques, la croissance exponentielle des coûts   manque de vision technicienne, qui porte préjudice à la gestion      Grâce aux compétences et à l’engagement des deux in-
 Une part importante des coûts peut donc être prélevée sur les   d’équipement technique n’a donc pas posé de problèmes de finan-  rationnelle de l’entreprise. En mai 1877, les administrateurs discu-  génieurs, la pratique de l’expertise externe devient moins fré-
 bénéfices. Le reste des besoins financiers est assuré grâce à des em-  cement. Pouvant s’appuyer sur un noyau très fidèle d’actionnaires   tent pour la première fois de l’offre d’un installateur, qui promet   quente, à l’exception du domaine très spécialisé de l’électricité.
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 prunts qui sont rapidement amortis. Le financement de la centrale   et d’instituts bancaires lausannois, les administrateurs ont réussi à y   jusqu’à 30% d’économie sur la consommation de gaz . Ce projet   La qualité des techniciens mobilisés est assurée par les réseaux
 électrique, construite en 1895, est à ce propos exemplaire. Alors   faire face sans trop de difficultés.  de transformation revient à cinq reprises devant le conseil, qui re-  sociaux de Dapples et de Crousaz, tous deux membres de la
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 que l’assemblée des actionnaires avait permis la conclusion d’un   pousse à chaque fois sa décision afin de collecter des informations   Société vaudoise des ingénieurs et architectes . Par ailleurs, le
 emprunt de 140 000 francs, afin de faire face aux frais d’installation,  MOBILISER LES COMPÉTENCES TECHNIQUES   complémentaires. L’innovation n’est finalement adoptée qu’en   premier enseigne la physique industrielle à l’École spéciale de
 le conseil d’administration n’emprunte que 50 000 francs, le reste   ET MAÎTRISER LE RISQUE TECHNOLOGIQUE  septembre 1880. En février 1881, il est constaté que la consom-  Lausanne, dès 1882, avant d’assumer, entre 1894 et 1898, la di-
 étant pris sur les bénéfices. En février 1897, l’emprunt est déjà      La modernisation du Beau-Rivage et la construction du Palace   mation de gaz a été réduite de moitié lors du dernier bal. Les ater-  rection de l’établissement.
 totalement remboursé. Le corollaire de cette politique d’amortis-  ont nécessité beaucoup de compétences. La réalisation d’un sys-  moiements résultant d’une méconnaissance technique ont ainsi      En dépit de la réticence des administrateurs plus conservateurs,
 sement rapide est une distribution prudente du profit aux action-  tème technique efficace et fiable comporte en effet plusieurs opé-  pesé durant trois ans sur la facture de gaz…   la stratégie de modernisation des deux ingénieurs, qui est soutenue
 naires : « M. de Cérenville est, au contraire, d’avis de ne répartir que 6%   rations délicates : faire le bon choix entre les différentes technologies      Dès 1884, la nomination de Fédor de Crousaz et Charles   par le directeur Tschumi, s’impose rapidement. Par ailleurs, les deux
 à titre de dividende ; nous avons encore de grandes dépenses en perspective,  à disposition, solliciter les entreprises les plus performantes, diriger   Dapples, tous deux ingénieurs, fait évoluer les rapports du conseil   ingénieurs du conseil exercent une influence décisive en matière
 notamment au toit, et nous devons maintenir le système suivi ces derniè-  les travaux, puis tester le bon fonctionnement des nouvelles instal-  d’administration à la modernisation technique. Début 1886, une   de choix techniques. À l’occasion du débat concernant le type de
 res années consistant à amortir immédiatement une forte proportion des   lations. Comment les dirigeants du Beau-Rivage ont-ils procédé   commission chargée de définir une stratégie d’investissements à   moteur à installer dans l’usine électrique, la solution de l’hydrau-
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 améliorations, système dont nous nous sommes bien trouvés . » La stra-  pour réunir le savoir technique nécessaire à la bonne marche de   moyen terme rend déjà son rapport. Afin d’assurer la fiabilité des   lique, prônée par Dapples et de Crousaz, l’emporte sur le gaz et la
 tégie financière menée par le conseil d’administration n’empêche   l’établissement ?  nouvelles installations, la visite d’autres hôtels, déjà équipés, se gé-  vapeur : « M. Correvon a entendu des techniciens et des praticiens critiquer
 pourtant pas une croissance impressionnante des dividendes distri-     Entre 1857 et 1884, les administrateurs nommés ne réunissent   néralise : « Pour se rendre un compte bien exact du système d’ascenseur   le moteur à eau et préconiser plutôt le moteur à vapeur. Toutefois, il s’incline
 bués, puisque ceux-ci passent de 8% en 1895 à 30% en 1913. Alors   que peu de compétences techniques. La majorité d’entre eux ont   américain  et  des garanties  de  sécurité qu’il  offre,  le président demande   devant les explications données par les techniciens du Conseil, explications
 que la valeur de l’action de 250 francs avait chuté à 190 francs en   suivi des études de droit ou sont issus de milieux d’affaires. Deux   l’autorisation d’aller avec M. Dapples, examiner celui qui fonctionne à   qui lui paraissent résoudre la question . » Les réseaux sociaux des deux
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 1882, elle vaut 500 francs en 1908. À cette date, le capital social   canaux permettent cependant de collecter l’information néces-  l’hôtel Schweizerhof à Lucerne. Approuvé . »  Les  deux  ingénieurs   ingénieurs jouent aussi un rôle dans le choix des entreprises man-
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 est augmenté de 1 à 1,5 million de francs. Les 2000 actions, d’une   saire à une activité technique encore réduite. À l’instar de Gustave   n’hésitent pas à mettre eux-mêmes la main à la pâte, limitant ainsi   datées pour exécuter les travaux. Ainsi, en 1886, la construction







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