Page 11 - Livre Beau-Rivage Palace
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RÉCEPTION xviii siècle, que cette « altération » de la littérature de voyage – tout Beau-Rivage Palace a servi à plusieurs occasions de cadre à des
Bertrand Müller enchaîne sur ce thème en rappelant que le
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ensemble cause et produit dans cette construction réciproque de
l’offre et de la demande – accompagne et, dans une certaine mesure, manifestations diplomatiques, en particulier aux négociations pour
favorise le glissement du Grand Tour vers le tourisme. la paix qui se sont déroulées en 1922-1923 à Lausanne entre les
Approche complémentaire que celle de Cédric Humair, pays de l’Entente (Grande-Bretagne, France, Italie), la Turquie mo-
dont l’analyse cherche à comprendre comment les dirigeants du derne et les pays concernés. La nouvelle diplomatie – celle de la
Beau-Rivage Palace ont fait face aux défis de la modernisation Société des nations – qui a émergé au lendemain de la guerre n’avait
technique. Afin de répondre aux nouvelles exigences de la clientèle pas encore de lieux spécifiques et l’hôtellerie de luxe pouvait lui
(celles-là même qu’amplifient et entretiennent les guides de voyage !), offrir l’environnement et les prestations nécessaires. Le traité de
ils ont non seulement dû adapter les infrastructures de l’hôtel, mais paix qui en est issu est ainsi le produit du croisement d’une double
aussi inscrire l’établissement dans un système technico-touristique histoire qui est retracée ici : celle de la diplomatie nouvelle et des
performant : faciliter l’accès à Ouchy, connecter Beau-Rivage à des réorientations de l’hôtellerie dans l’immédiat après-guerre.
Nadja MAILLARD
réseaux de communications performants, se procurer l’eau, le gaz Puis viennent les mets et les mots sous la plume de Marc de
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Depuis son ouverture en 1861, l’Hôtel Beau-Rivage est un deuxième sont évoqués les étapes et les acteurs de sa construc- et l’électricité nécessaires au bon fonctionnement de l’hôtel, offrir Ferrière le Vayer qui explique que, du milieu du xix siècle à nos
amer exquis pour tous ceux qui croisent à ses abords, un ancrage tion, de ses aménagements intérieurs et extérieurs. Viennent défiler des divertissements aux hôtes, embellir les abords… Jalonnée de jours, la place de la restauration et de la gastronomie dans l’hôtelle-
sûr et confortable pour des milliers de voyageurs. À beau rivage, enfin, dans une troisième section, quelques personnages, réels ou succès, de doutes, de résistances et d’échecs, la réalisation de ce rie de luxe a beaucoup évolué. Aux origines, il s’agissait simplement
bon hôtel ! Lieu de villégiature ou d’exil, espace de représentation fictifs, qui permettent de connaître un peu de la vie de l’hôtel programme fait partie de la saga technique du Beau-Rivage et d’offrir au client matière à se restaurer, le plus souvent par une table
ou oasis intime, il porte une enseigne qui désigne un emplace- intra muros. Chacun des chapitres est émaillé des souvenirs de divers témoigne de la capacité des hôteliers, durant la Belle Époque, à réa- d’hôte ou en restauration dans la chambre. La concurrence aidant,
ment, une qualité paysagère avant que ne lui soit accolée, en 1908, personnages, certains connus, d’autres moins, qui nous révèlent des gir à de profondes mutations technologiques, sociales et culturelles. les exigences des voyageurs deviennent plus grandes – alimentées
l’extension de Palace. Appellation bien dans l’esprit de la Belle aspects inédits de leur séjour à Ouchy. Quand ils ne les suscitaient pas ! Les ouvrages consacrés aux riches par les outils comparatifs que constituent les guides – et la restau-
Époque mais qui est encombrante à certains égards. À tel point Joëlle Neuenschwander Feihl relate la transformation du ha- heures de l’hôtellerie rappellent volontiers que c’est dans un hô- ration constitue non seulement un argument pour les attirer, mais
que, dans les années cinquante, le conseil d’administration de l’hô- meau industrieux d’Ouchy, en un lieu de villégiature puis en un tel – en l’occurrence au Badrutt de Saint-Moritz – qu’est introduit une obligation pour survivre. Les restaurants des palaces sont alors
tel se demande encore s’il ne faut pas y renoncer en raison d’une quartier de Lausanne et permet ainsi de comprendre un moment en Suisse l’éclairage électrique dans un bâtiment public, expression dirigés par les grands noms de la gastronomie de la fin du xix et
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confusion perpétuelle avec le Lausanne Palace qui a pris ombrage de l’évolution urbanistique de cette ville, que l’arrivée du train vers de la modernité, omniprésente et déclinée à tous les lux dans le du début du xx siècle. Un décorum important accompagne ce
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d’un slogan publicitaire proclamant : « Beau-Rivage, l’élite des palaces 1850 a poussée vers le lac (fig. 1). À sa suite, Laurent Tissot montre Grand Hotel de Vicki Baum (fig. 2). mouvement dans l’architecture et sur la table. La seconde moitié
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et le palace de l’élite ! » que le développement des hôtels de luxe participe d’un mouve- L’histoire du Beau-Rivage Palace doit être replacée dans le du xx siècle traduit un réel déclin de la restauration des palaces,
Il fallait, à l’occasion du double anniversaire de ce fleuron ment économique, social et symbolique de grande ampleur, dans contexte plus vaste du développement des grands hôtels, principa- lié à un changement important de la clientèle, déclin qui s’arrête à
hôtelier de l’arc lémanique, rassembler l’état des connaissances non lequel le Beau-Rivage Palace s’inscrit parfaitement. S’appuyant sur lement à « l’ère du chemin de fer », dans cette Europe en plein essor partir des années quatre-vingt.
seulement sur le bâtiment mais plus largement sur le cadre, géo- une étude fine de ses archives, il relate pourquoi il a été construit où ils ont pris place, tel est l’argument du texte de John Walton. Après avoir traité de la mutation d’Ouchy, de la part qu’y
graphique, économique, culturel dans lequel il s’insère. La table des et comment il a pu et su se pérenniser et connaître une réussite qui À l’aide de nombreux exemples, l’auteur examine dans quelle me- prirent l’aménagement des rives et la construction d’un hôtel de
matières de l’ouvrage en révèle l’esprit et l’articulation ; distribué lui assure, aujourd’hui encore, une réputation mondiale. sure ces établissements de luxe ont participé de et à la notoriété des première classe, Joëlle Neuenschwander Feihl revient sur l’histoire
en trois volets thématiques, il se veut à la fois point de rencontre Parallèlement, Ariane Devanthéry s’intéresse aux modes événements politiques, diplomatiques et culturels qu’ils ont abrités. du bâtiment pour en détailler la réalisation, du concours à l’inau-
et carrefour, qui multiplie les angles d’approche, les regards et les d’hébergement tels qu’évoqués dans les guides de voyage entre Il analyse aussi comment le fait d’être associé à ces grands événe- guration. Dave Lüthi relate, quant à lui, celle du Palace rappelant
discours, alliant exposés monographiques et notations personnel- la fin du xviii et le début du xx siècle, où l’hôtellerie « organi- ments, ou à certains interludes romantiques du passé, a fait de ces que, dès les années 1890, l’agrandissement du Beau-Rivage de-
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les. Dans une première partie sont étudiés le site et le contexte, le sée » relaie l’hospitalité privée. Elle rappelle que la prise en compte hôtels des lieux mythiques et ainsi accru leur attractivité auprès vient une question brûlante pour le conseil d’administration de
phénomène du voyage, du tourisme et de l’hébergement, dans la des aspects strictement pratiques du voyage émerge à la fin du d’un public informé. l’établissement. Après un premier projet de surhaussement confié
Le titre de cette photographie prise par A. Garcin entre 1865 et 1890 La lumière électrique,
– Hôtel Beau-Rivage à Ouchy – occulte le premier plan qui montre des ouvriers acquis technique revendiqué de manière poétique et publicitaire par l’hôtel.
déchargeant des pierres de Meillerie transportées sur un brick lémanique. Carte postale, 1926.
Activités industrieuses et touristiques se partageaient alors la baie d’Ouchy.
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