Page 307 - Livre Beau-Rivage Palace
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Fig. 1
UNE AMÉRICAINE AU BEAU-RIVAGE:
HELEN McCANN
Evelyne LÜTHI-GRAF. Philippe VISSON
On pouvait jadis rencontrer trois types de clients dans un American tax payers ! » C’est d’ailleurs à la même époque que
Palace : le migrateur, qui égrenait ses jours en choisissant tel ou tel F. Scott Fitzgerald ou Ernest Hemingway sillonnent l’Europe, à
lieu pour telle ou telle activité, le saisonnier, qui cultivait son séjour la recherche de leur identité littéraire ou journalistique. L’univers
d’année en année en donnant rendez-vous d’un lieu à l’autre, le du Beau-Rivage n’a alors rien à envier au monde de Gatsby le
résident, qui transformait sa chambre en domicile fixe, prenait des magnifique… (fig. 2 et 3)
habitudes et s’enracinait dans le biotope culturel du Palace. Francis Le premier séjour des McCann au Beau-Rivage Palace
et Jane McCann, ainsi que leurs deux filles Helen et Frances, furent d’Ouchy n’est d’abord qu’une étape d’une longue pérégrination
des hôtes du troisième type (fig. 1). à travers différentes stations européennes à la mode, mais Francis
Venant des États-Unis d’Amérique, les McCann arrivent au et Jane tombent amoureux du paysage lémanique ; il devient alors
Beau-Rivage Palace à la fin des années vingt. Issus d’une famille ca- la résidence principale de la famille, qui partage son temps entre
tholique irlandaise, ils vivent dans l’aisance que leur confère la for- son appartement romain du Circus Maximus et la suite N° 400.
tune que Jane, née Miller, a héritée de ses parents écossais. À cette Francis est un photographe passionné, il en fait son occupation fa-
époque, celle de la prohibition, la bonne société américaine vit vorite laissant libre cours à ses fantaisies, traduites par de nombreux
dans un pays gouverné essentiellement par les familles protestantes portraits « fantômes » (fig. 4).
qui descendent des premiers colons. Malgré leur statut de rentiers Arrivées avant l’âge d’être scolarisées, Helen, née en 1918,
fortunés, les McCann restent en marge des grands événements et sa sœur Frances de deux ans sa cadette, sont suivies par des
mondains et ne peuvent vraiment se lier d’amitié avec d’autres tuteurs ou des précepteurs chargés de leur enseigner le calcul ou
Américains qu’en territoire neutre, de préférence au bar d’un la grammaire, mais c’est le Beau-Rivage qui leur tient lieu « d’aca-
Palace. Les expatriés se mélangent aux visiteurs qui se rencontrent démie ». L’univers particulier d’un hôtel de luxe est un terrain
entre un cigare et un verre de whiskey, choyés par un barman idéal de connaissance et d’apprentissage. C’est un microcosme
qui sait reconnaître le voyageur oisif en quête d’un havre où le constitué, d’une part, de nantis élevés par des gouvernantes et
futile et l’agréable sont érigés en lois impérieuses ! À tel point que des majordomes dans un écrin de luxe, à l’abri des préoccupa-
Francis McCann saluait les nouveaux venus d’un jovial « welcome tions bassement mercantiles de la société et, d’autre part, peuplé
Francis McCann près du poste TSF installé dans sa chambre du Beau-Rivage. Fig. 2
Photographie non datée. Francis McCann entouré de ses filles Helen et Frances,
silhouettes de papier découpé contrecollées sur du bois, vers 1932.
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