Page 72 - Livre Beau-Rivage Palace
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glorieuses ». Elle traduit la prospérité sans précédent que les pays in-     Avec l’aide du plan Marshall, les reconstructions hôtelières          En l’occurrence, le souci de Schnyder est de garder un   (réunion de petits groupes composés de directeurs d’entreprises pour mee-
          dustrialisés connaissent. Le Beau-Rivage Palace en profite pleine-  reproduisent jusqu’à satiété les tendances américaines.                    équilibre entre la clientèle stable et régulière et les hôtes pressés   tings, séminaires prolongés, conseils d’administration etc.) qui sont plus
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          ment. Des trente glorieuses à l’hôtellerie glorieuse, il n’y a qu’un pas      Si la prudence du Beau-Rivage Palace face à une débauche         d’arriver et pressés de repartir : « Nous avons à Beau-Rivage deux   enclins d’animer la ‹ hors-saison › que les ‹ touristes traditionnels ›  ». Sans
          que l’augmentation exponentielle des nuitées et du chiffre d’affaires   de luxe est connue, elle se nuance avec l’arrivée de cette clientèle   sortes de clients. Pendant la grande saison, c’est la masse des touristes qui   être inconnue, cette clientèle adhère à des standards convenus en
          nous autorise à franchir (tab. 1). Mais ce dynamisme retrouvé repose   aisée et exigeante. Ces nouvelles attentes poussent l’hôtel à redé-     passent rapidement d’un hôtel à l’autre. Pendant le reste de l’année, nous   termes de confort et d’intimité (salles et salons de conférences)
          sur une transformation majeure qui touche, d’une façon générale,  ployer des programmes d’investissement substantiels et à donner              avons ce que nous pouvons appeler la clientèle de famille. Ce sont nos   mais aussi en termes d’accessibilité aux modes de transports et de
          le voyage. S’appuyant sur un éclatement de ses formes et de ses pra-  aux bâtiments une allure plus moderne.                                   habitués qui, de génération en génération […] reviennent plus ou moins   prestations en moyens modernes de communication. Elle fait de
          tiques avec l’essor de l’automobile privée et de l’aviation commer-     « Pendant la guerre, bien que nous ayons fait de nombreux travaux      régulièrement, passer à Beau-Rivage quelques semaines, quelques mois.  l’hôtel un lieu central de rencontres et de réunions. Elle recèle
          ciale, il bénéficie aussi de l’élévation des niveaux de vie qui gagne   d’entretien et d’amélioration, nous étions limités par nos moyens financiers.   Ces familles dont les parents sont nés à Beau-Rivage, ou s’y sont mariés,  tout un potentiel qui prendra par la suite la forme des congrès.
          des populations en mesure de s’offrir, dorénavant, des séjours dans   Il faut maintenant reconstituer certains stocks de lingerie, de porcelaine, de   en conservent le souvenir et reviennent en nous disant ‹ nous nous sentons      Dans les années soixante, la stratégie mixte de Walter Schnyder
          des établissements jusque-là fermés à leurs parents. C’est dire que   verrerie, marchandises introuvables pendant les hostilités . »           un peu chez nous ›. A cette clientèle nous voulons offrir un luxe complet   prend tout son sens en faisant du Beau-Rivage Palace un hôtel dé-
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          si les générations d’hôteliers qui ont connu, entre 1914 et 1945, les      Dès 1955, un nouvel élan est donné. La réfection des fa-            qui est la tradition de notre hôtel. Il faut le grand confort, la tranquillité, le   sireux d’accueillir une clientèle diversifiée mais calibrée selon des
          guerres mondiales et les crises économiques avaient définitivement   çades annonce un important train de mesures à l’intérieur asso-           service impeccable, exécuté par des serviteurs qui eux-mêmes sont attachés   critères très précis. En 1961, cette diversification se traduit par une
          perdu leurs illusions d’un retour à une Belle Époque devant la bru-  ciant l’agrandissement du garage, le réaménagement du quatrième           à l’hôtel. C’est à cela que nous devons vouer tous nos soins, en faisant   ventilation des hôtes qui atteint les proportions suivantes : habitués
          talité des agressions, celles qui traversent les trente glorieuses ont pu   étage avec l’installation de chambres avec bain, la transformation   abstraction de l’agitation nocturne des Palaces citadins . »  à l’année (8%), habitués de saison (40%), nouveaux clients indivi-
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         vivre des moments radieux face à une expansion fulgurante.  du chauffage à vapeur en chauffage à eau chaude, l’installation                         Cette stratégie mixte illustre bien la façon dont le Beau-Rivage    duels (20%), clients par agences de voyage (32%) . Les prochaines
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              Pour beaucoup, les nouveaux repères s’associent à l’American   d’ascenseurs, la modification des accès au monte-charge, la créa-           Palace perçoit son rôle et façonne son image durant ces années   perspectives sont aussi clairement déterminées. Elles portent sur
          way of life qui, avec la fin du conflit mondial et l’entrée dans la guer-  tion de vidoirs aux étages, l’amélioration des offices d’étage, la   folles. Walter Schnyder la caractérise comme une « stratégie d’ali-  la « mise en perce » du grand réservoir des sportifs, jusqu’à présent to-
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          re froide, s’impose peu à peu comme le modèle de référence. L’af-  rénovation du mobilier, la réfection du jardin avec l’installation          gnement graduel au snobisme  ». La « tradition française » n’est pas re-  talement négligé. À cet égard, la construction d’une piscine trans-
          flux des touristes américains en Europe occidentale conditionne   d’un nouveau mobilier. En 1963, de gros investissements sont à               mise en cause par la « révolution américaine ». Mais ce conservatisme    formée en piste de curling durant l’hiver et qu’on veut installer à
          dans une forte mesure le boom hôtelier helvétique. Dès 1949, la   nouveau réalisés en machinerie de cuisine, buanderie, offices, la-           affiché n’entend pas non plus rester à l’écart des tendances lourdes   l’est de l’hôtel figure en tête des priorités dès 1963. L’opposition
          clientèle américaine devient la plus importante au Beau-Rivage   vage à sec, ateliers de mécaniciens et artisans et qui ont permis de          qui recomposent le paysage hôtelier. À cet égard, les années soixan-  des voisins repoussera le projet à plus tard, mais la tendance est
         Palace, avoisinant les 30%. Cette clientèle adhère à des formes de   faire face à l’augmentation des nuitées.                                   te sont porteuses de changements auxquels le Beau-Rivage Palace   résolument prise. Repos, affaires, résidents à l’année ou touristes de
         voyage plus trépidantes, fortes consommatrices de paysages et de      Faut-il pour autant parler d’une  « américanisation » du Beau-            est très attentif : « Il faut se rendre compte que le tourisme moderne est   passage, la multifonctionnalité du Beau-Rivage Palace connaît un
          spectacles : « Les familles viennent en auto, la voiture reste dans la cour   Rivage Palace ? Ce serait aller vite en besogne. La direction s’en dé-  soumis à des influences très diverses, le snobisme, les sports, le perfectionne-  affinement qui adhère totalement aux aspirations sociales, écono-
          de l’hôtel, on passe deux jours, trois jours, et l’on repart chercher d’autres   fend et elle en vient même à imposer un quota à ne pas dépasser   ment des moyens de transport, qui a ouvert la porte de pays qui jusqu’à pré-  miques et symboliques issues des trente glorieuses.
          impressions . » Ce voyage libéré et décomplexé a une importance   comme le nouveau directeur fraîchement nommé Walter Schnyder,                sent étaient moins facilement abordables. La Grèce, la Yougoslavie, l’Orient      On peut aisément conclure au fait que cette ère glorieuse
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          capitale sur la gestion de l’hôtel. C’est lui qui dorénavant donne le   qui a fait une partie de sa carrière aux États-Unis, le rappelle au pré-  sont actuellement très en vogue. Ces conditions obligent le directeur d’un   génère beaucoup d’envie. En matière touristique, elle stimule les
          goût, c’est lui qui imprime un style : « Ce sont en général les Améri-  sident du conseil d’administration : « Je crois que la nouvelle méthode que   grand hôtel à tâter continuellement le pouls de ce tourisme et par suite de   initiatives et aiguise les ambitions. Le Beau-Rivage est conscient
          cains qui sont […] les plus exigeants en ce qui concerne la salle de bain. Il   nous avons appliquée, c’est-à-dire d’égaliser la représentation des différentes   s’adapter assez tôt aux contingences . »   de toutes les potentialités recelées par le site d’Ouchy. En accep-
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          faudrait normalement un cabinet de toilettes complet, par chambre à cou-  nations par notre clientèle, soit env. 30% d’Américains, 30% de Français et      Les cibles de cette stratégie sont clairement identifiées. Au   tant de remettre en location au Beau-Rivage les hôtels Florissant
          cher. Ce n’est pas toujours facile à réaliser dans les constructions anciennes.  le reste réparti entre les autres pays où l’Angleterre est en première position, a   travers d’analyses de marché conduites par Walter Schnyder, le   et Lutétia qu’elle a commencé à rénover, la commune de Lausanne
         D’un voyage fait entièrement à l’étranger, notre directeur a été surpris par le   été fort judicieuse. Ceci a pu se réaliser en refusant des chambres à des Amé-  Beau-Rivage Palace est précocement amené à distinguer les for-  donne l’occasion à l’hôtel d’asseoir sa mainmise sur le quartier et
          luxe écrasant des hôtels d’Allemagne, par exemple, tous reconstruits à neuf,  ricains de passage déjà au mois de mars, pour juillet et août alors que nous   mes et les contours de nouvelles clientèles. Délaissant l’étude des   d’éviter la venue de concurrents. Une société entièrement sous-
          et munis des derniers perfectionnements. C’est du reste un luxe un peu   avions encore des chambres libres, étant donné que la clientèle stable de France   hôtes par origine, il montre dorénavant « l’endroit où il fallait lancer   crite par Beau-Rivage Palace sous la raison sociale La Résidence,
          tapageur que nous ne devons pas songer à copier dans tous ses détails . »  n’a pas l’habitude d’effectuer ses réservations avec tant d’avance . »  l’hameçon pour une récolte positive, c’est-à-dire vers les hommes d’affaires   Ouchy-Lausanne est constituée. Les deux hôtels sont dirigés par
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          Tarif du Beau-Rivage-Palace Ouchy-Lausanne, 1921.




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