Page 67 - Livre Beau-Rivage Palace
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UN CAPITAINE À LA BARRE  autres membres fondateurs qui composent, autour de J. Tschumi
                  nommé président, la première commission de surveillance, se nom-
 JACQUES TSCHUMI  ment Adolf-Rodolf Armleder, fondateur du Richemond à Genève,
                  Ami Chessex, l’un des bâtisseurs de Montreux-Territet, Adolphe
                  Raach, propriétaire de l’Hôtel du Faucon à Lausanne, H. Spahlinger
                  de l’Hôtel du Lac de Genève. Sous la houlette d’Henri Briod, pro-
                  fesseur et directeur, l’École professionnelle de la ssh fonctionne
                  comme un internat, c’est-à-dire que les élèves sont nourris et
                  logés dans l’établissement où sont donnés les enseignements qui
                  débutent le 17 octobre 1893. Durant les six mois de cours d’hi-
                  ver que leur propose l’école avant l’examen annuel final, les 27
                  étudiants de la première promotion ont pu étudier l’anglais, le
 Nadja MAILLARD
                  français, l’allemand, l’arithmétique, la comptabilité, la géographie
    Jacques Tschumi est né le 20 mai 1844 à Wolfisberg dans le   l’absence de qualification et le manque de stabilité des membres du   touristique et la calligraphie, apprendre à connaître les marchan-
 canton de Berne. Comme d’autres pionniers de l’hôtellerie suisse,  personnel hôtelier qui, de la cuisine à la salle à manger en passant   dises, le maintien… En plus de ce programme, les élèves sont
 César Ritz, Alexandre Seiler, Franz Joseph Bucher-Durrer, il est   par la réception doivent se débrouiller seuls. En tant qu’enseignant,   astreints à un service de maison comme dresser et desservir les
 issu d’une famille paysanne et grandit en partageant son temps   J. Tschumi est préoccupé par le caractère improvisé, aléatoire de la   tables, effectuer divers travaux ménagers. En 1904, l’école s’ins-
 entre les travaux de la ferme et l’école de son village. Bon élève, il   formation professionnelle. Il est aussi convaincu que réussir dans   talle dans ses propres locaux à l’avenue de Cour, dans la propriété
 étudie ensuite à l’École normale de Münchenbuchsee où il ob-  l’hôtellerie et les professions de l’accueil exige non seulement des   des Figuiers, un ancien pensionnat de jeunes filles. En 1975, elle
 tient son brevet d’instituteur. Alors qu’il enseigne à Niederbipp, il   connaissances  théoriques  et  pratiques,  des  aptitudes  techniques   se déplace sur le site de son campus actuel, au Chalet-à-Gobet, à
 est approché pour être le précepteur des enfants de Hans-Jakob   ou managériales, mais des qualités spécifiques : sens de la com-  quelques kilomètres au nord de Lausanne.
 Hauser (1821-1891), directeur des Bains du Gurnigel. Il est peu à   munication, ouverture d’esprit, diplomatie, goût de l’innovation.      Durant un siècle, le nombre d’élèves ne cesse d’augmenter,
 peu associé à la gestion de cet établissement qui compte parmi les   Membre influent de la Société suisse des hôteliers (ssh) fondée en   la durée des études s’allonge et les cours se diversifient pour offrir
 plus grands hôtels de Suisse et les stations thermales de renommée   1882, il suit de près l’évolution de l’hôtellerie suisse ; il est de sur-  une palette toujours plus large de formations. Après avoir lancé
 mondiale. D’abord adjoint puis remplaçant de Hauser qui est élu   croît confronté quotidiennement à des problèmes de personnel en   en 1994 un nouveau programme en 4 ans (Hautes études en hô-
 député au Grand Conseil bernois et conseiller national en 1881, J.  tant que directeur du Beau-Rivage. Il soumet en 1891 un projet   tellerie et professions de l’accueil), l’École hôtelière de Lausanne
 Tschumi reste quelques années au Gurnigel avant d’être appelé à   d’École hôtelière à l’Assemblée de Lucerne qui se heurte au scep-  (ehl) reçoit en 1998 une accréditation américaine qui garantit
 diriger l’Hôtel Alsace-Lorraine de Cannes, puis, en 1888, le Beau-  ticisme de ses collègues pour qui une « école d’hôtelier n’avait pas   formellement la reconnaissance internationale de son diplôme
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 Rivage de Lausanne.  plus de sens qu’une école de laboureur . » Mais l’homme est obstiné,   de qualification universitaire au niveau d’un Bachelor of Science
    En août 1867, Emil Geiser, apprenti cuisinier au Beau-Rivage   persuasif, qui s’est aussi entouré d’un directoire de personnalités   Degree ; la même année, elle est intégrée à la Haute École spécia-
 dont quelques souvenirs sont cités en p. 150, écrit à ses parents :   séduites par son idée ; deux ans plus tard, il peut mettre son projet   lisée de Suisse occidentale (hesso).
 « Depuis que je suis ici [mars 1867], il y a déjà 6 personnes de la cuisine   à exécution. Grâce à la compréhension et à l’aide de John Muller,
 qui sont parties ; vendredi dernier, un jeune cuisinier qui a fait son appren-  directeur de l’Hôtel d’Angleterre sis à quelques encablures du Beau-    1. Philippe GINDRAUX, L’art et la manière. Ecole hôtelière de Lausanne, Lausanne :
 tissage pour 400.- fr. dans un petit hôtel est venu en remplacement. Mais   Rivage, le siège de l’École hôtelière est fixé dans cet établissement.       Payot, 1993, p. 29.
 il n’y comprenait pas grand chose et voilà que depuis dimanche il a disparu,  Cette  cohabitation  est  originale  du  point  de  vue  pédagogique
 on l’a même cru noyé. » Il dit en quelques lignes l’état d’impréparation,  puisqu’elle confrontait en permanence la théorie et la pratique. Les

 Jacques Tschumi (1844-1912), directeur du Beau-Rivage entre 1888 et 1912,   Promotion de l’année 1894-1895 à l’École hôtelière de Lausanne.
 fondateur de l’École hôtelière de Lausanne.  Jacques Tschumi est assis derrière la petite table ronde.



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